valeriejean -biographe

Lettres à mon fils

Lettres à mon fils- La force de l’amour

valeriejean -biographe

Extraits du livre « lettres à mon fils »-La force de l’amour

Pierre a disparu subitement de ma vie. Il était essentiel pour moi de continuer à m’adresser à lui, de maintenir ce lien d’amour brisé sans y avoir été préparée.

Je me suis levée un matin, j’avais un fils et je me suis couchée le même jour en l’ayant perdu.

Ce journal n’a jamais été écrit dans l’intention de le publier un jour, fragments d’une intimité blessée. Il est une trace des pensées contradictoires, complexes, confuses, transcendées que j’offre aujourd’hui au regard d’autrui, dans l’espoir d’aider des personnes qui, désemparées, pourront voir des similitudes avec des sentiments qui les traversent.

Ce n’est pas un guide avec des recettes, ni un cheminement exemplaire noirci de conseils avisés. NON, ce n’est qu’un recueil de doutes, d’allégations folles, de mots incohérents et de pensées intimes liées à la mort et donc à ce que nous ignorons tous.

N’y voyez qu’une part de moi-même dans un moment de ma vie où exister devient difficile quand une part de soi a disparu et vous laisse désemparée face à la vie qu’il faut continuer d’assumer.

Le journal commence le 15 mai 2003 pour se finir le 28 septembre 2009 soit 6 années plus tard.

15 Mai 2003†/ 8 jours

Bonjour Pierre,

Voilà sept jours que tu es parti et j’émerge doucement de ma torpeur. Aujourd’hui c’est à mon tour d’être en vrac parce que trop de choses se bousculent dans ma tête et ne me laissent pas en paix.

Fuir le magasin Leclerc qui me paraît à cet instant être une prison pour te retrouver un peu. Se perdre à jamais avec toi.

C’est con. C’est con d’être désemparée au point de ne plus pouvoir finir ses courses tranquillement, quand les émotions t’assaillent physiquement et qu’il faut fuir. Fuir les regards, fuir les autres et être seule enfin!

Alors des signes de toi m’interpellent et petit à petit je m’apaise moi, pour les autres.

Dans ma tourmente, les nuages plombaient au dessus de ma tête… El le soleil depuis que je te parle revient. Merci mon fils.

Le 23 Mai/ 15 jours

Bonsoir mon chéri,

Ton absence est cruelle. Je te retrouve souvent et pourtant je te cherche encore. Aujourd’hui j’ai retiré les fleurs de la maison. Elles n’étaient plus belles, il fallait qu’elles le soient. Il en reste près de toi, au fond du jardin, je souhaite que tu sentes, dans ton ‚me, le soin que j’y apporte chaque jour pour ne pas te perdre tout à fait. Tu es là, mon ti Pierre dans mon coeur, dans le jardin. Nous allons planter un olivier pour toi, pour fixer ton souvenir, cet arbre sacré des croyants qui symbolise la paix, le repos éternel du Paradis.

Le bruit de ta porte, signe du réveil de la maison, est mort et provoque le vide en moi. Alors les larmes coulent doucement car je sais que plus jamais je n’entendrai ta voix me dire « maman on y va » ou « j’ai fait chauffer ton eau ».

Mon chéri, je souhaite tellement ton bonheur là haut. Que tu sois en paix.

J’espère que je suis à la hauteur de ce que tu attends de moi. Tous les jours, je me dis, tu vis trop sans chagrin et je trahis mon garçon. J’ai peur alors que tu crois que je t’oublie. Donne moi mon chéri l’espoir que tu es encore là, à nous sentir, à nous aimer, à nous protéger.

Je t’aime mon Pierre, tellement, tellement.

Mercredi 28 mai 12h24/ 20 jours

Bonjour Pierre,

Le soleil étincelle et adoucit ma tristesse.

Je suis en robe aujourd’hui. Sans doute aurais-tu dis « Ah tu t’es mise en robe aujourd’hui » et je t’aurais répondu « Non c’est un pantalon avec des bretelles dans le dos ». Alors tu aurais souri avec l’air de t’excuser d’avoir dit une évidence.

Combien je donnerai aujourd’hui pour que tu me dises ces phrases évidentes et naïves qui rythmaient tes conversations et pour lesquelles nous te charrions régulièrement.

Tu as tellement fait les frais de notre ironie familiale. Peut être était-ce notre façon à nous de te dire « Pierre tu es capable de beaucoup plus que ce que tu nous montres ».

La naïveté est notre marque de fabrique qui fait nos questions quelquefois idiotes. Tes soeurs et moi partageons cette particularité avec toi, chercher à communiquer pour garder le contact avec l’autre.

Jeudi 20 juin 0H25 1 mois et 13 jours

Mon chagrin évolue, se transforme, me traque comme une bête que je ne maîtrise pas.

Le soir, il s’abat sur moi dans le silence de la maison. Ce sont les heures les plus difficiles et délicieuses à la fois car je te retrouve toi, vraiment sans que mon esprit s’évade dans les futilités du quotidien.

Je culpabilise sans cesse de ne plus buter sur ton prénom, de regarder tes photos sans être bouleversée; j’ai la pénible impression que je me vide de toi. Pourtant, quand je me retrouve face au néant, tu es là et les sanglots reviennent.

Il faut que j’oscille sans cesse entre être forte, vivre, malgré tout et poursuivre la quête du souvenir pour ne pas te perdre tout à fait.

Samedi 21 juin 23H15/ 1mois et 16 jours

Aujourd’hui a encore été une journée difficile. Une journée où rien ne se passe et où tout me met en vrac.

Cela faisait bien longtemps que je n’avais rien cassé, j’ai brisé toutes mes petites tasses. Pourtant j’y tenais.

J’ai aussi rangé ta chambre. Bousculé le désordre établi, changé les lits de place.

Bien sûr tu es encore là et il n’est pas question de vider la chambre de ton esprit.

Juste aménager pour moi un havre de paix où je puisse écrire, dessiner, peindre, être avec toi.

Tes petites affaires sont protégées.

C’est très dur de toucher à cette pièce et c’est difficile de ne rien y faire. C’est éviter un sanctuaire.

Mon Pierre chéri, j’essaie de me concentrer pour t’atteindre et la paix qui m’apaisait jusqu’à présent, a du mal à me parvenir.

J’ai l’impression de souffrir davantage, le temps passe et il me torture.

De vilaines pensées m’assaillent et malgré tout l’amour que je te porte, j’ai le sentiment de te perdre un peu plus chaque jour.

Il faut que tu m’aides mon chéri à reprendre le dessus, à aimer la vie, à ne pas sombrer.

Zéfine est là, avec son sourire, pour me faire oublier l’horreur de ton départ et la cruauté de ton absence.

Petit Mat voulait dormir dans ta chambre ce soir. Les moustiques l’ont fait fuir.

C’est peut-être mieux comme ça.

Pas d’interdiction venue de notre part, car aussi dur que soit le chemin de son deuil, je ne dois pas interférer et le laisser apprivoiser ton absence définitive.

Lui glisser « oui, je sais, j’ai mal aussi mais je suis là pour toi et il ne prend pas toute la place dans mon coeur de maman ».

Tu me manques, il faut, de nouveau, que de belles images de toi m’envahissent, m’emmènent vers toi, là-haut, pour que tu puisses être en paix.

25 Juin 22H40/ 1mois et 18 jours

Bonsoir mon chéri,

Les mots s’égrènent au fil des pages blanches que je ne remplis que de moi.

Ta disparition est une nouvelle épreuve qui me rapproche de toi, de ton histoire qui a semblé si légère.

Maintenant que tu es parti, un sentiment fatal d’impuissance est ancré au fond de moi.

Passé le tragique de l’accident, nous sommes tous les deux face à face et les sentiments coupables affluent. Le jugement est là comme un couperet. Les regrets abondent en cascade. Ils sont là immobiles, de plus en plus, à traquer mes souvenirs.

Le vernis s’écorne des pensées arrangeantes qui apaisent la douleur.

L’essence de la vie remonte à la surface et chaque jour me transperce un peu plus.

Non, tu n’aurais pas du partir, non ce n’était pas le moment, oui de belles choses pouvaient encore se vivre.

Ce serait te trahir que de penser autre chose car tu étais en capacité de réussir parce que tu incarnais la vie.

La vie suprême de l’innocent qui fait don de tout aux autres.

Quel orgueil démesuré d’avoir cru que tu n’avais pas ta place.

Ta place était parmi les hommes de bonne volonté qui pouvaient changer le monde mais qui pouvait reléguer la méfiance, les idées préconçues, l’envie, la jalousie, la méchanceté.

Tu as été mon Jésus et même si au fond de moi, une lumière me disait Pierre est un juste, mon esprit n’était tourné que vers des performances idiotes et dénuées de tout fondement humain.

J’aurais dû te défendre encore plus, j’aurais dû croire en toi davantage, parce que c’était ton humanité qui pouvait balayer tous les doutes.

Une lueur d’espoir et d’amour ne m’a jamais abandonnée et aujourd’hui c’est cette lumière qui me brûle.

De n’avoir pas su t’aimer avec plus de force et de refouler les regards de compassion qui planaient sur toi.

Je souffre mon chéri, ô combien.

Ce n’est pas une pénitence, c’est mon coeur qui saigne.

Le 10 Août Minuit trente cinq/3mois 2 jours

Mon chéri,

Tu es là sur papier glacé et tu me regardes en souriant.

Je t’écris moins mais ma peine ne diminue pas.

Ton souvenir est là, caché derrière chaque objet que je regarde.

Tellement de choses rappellent ta présence et les larmes continuent de couler discrètes, définitives.

C’est le prix de l’irrémédiable absence.

Je scrute le ciel et les étoiles m’interpellent.

Mes conversations sont jalonnées d’images, de sons emplis de toi et qui persistent à me broyer le coeur.

Ta perte cruelle me laisse désemparée.

Je m’imagine partir dans l’au-delà pour être accueillie à tes côtés et te retrouver.

Mais cela ne se peut car ma vie se poursuit, doit se poursuivre et tout cela sans toi.

Mon bébé je t’aime et je ne t’oublie pas.

Mercredi 3 Septembre 19H25/3 mois 23 jours

Salut ti Pierre,

C’est bon d’être seule avec toi sans que nul ne vienne interrompre nos souvenirs communs.

Depuis quelques temps j’imagine ta silhouette arrivant par la terrasse pour me saluer par un « salut maman ». Bien sûr, c’est davantage pour me remémorer le son de ta voix pour que mon oreille intérieure s’en souvienne. Et surtout retrouver le ton chantant avec lequel tu nous apostrophais quand tu allais bien.

Cela fait bientôt 4 mois que tu es parti, au-delà de notre temps.

Et que te dire sinon qu’aucune journée ne se passe sans qu’il n’y ait une pensée à ton propos.

L’église sonne. L’église où l’au revoir fut terrible. L’au revoir spirituel. Parce qu’il émeut tellement, il étreint d’une émotion grandiose tandis que le silence pendant que la vie te quittait était terrifiant de vide…

Au-delà des mots, le manque charnel et affectif de ne pas avoir pu te serrer dans mes bras reste une grande blessure dont je ne me guéris pas.

Peut être me sens-tu sur la place de l’église. Une ambulance passe….Un signe de toi,

Alizés ambulance, toujours le même rappel à toi.

Toujours ces coïncidences qui jonchent ma nouvelle route dont tu n’es pas absent.

Quelles traces de toi restent-il dans ce village sinon celles de ton départ: le restaurant où nous nous sommes retrouvés, l’église. Ta vie n’était qu’à Heurtevent, parmi nous. Pourtant, nombreux sont ceux qui ne t’oublient pas et me témoignent leur attention en te faisant revivre lors d’une conversation.

Mais ceux qui osent parler de toi savent combien il est important pour tourner la page de manière apaisée. Celle de ne pas fuir face à ton souvenir, si anodin soit-il.

Ils ont compris que se taire, gênés, est une plus grande blessure que de parler de toi sur un ton empreint de respect et de légèreté.

Ils sont peu nombreux mais ils sont là, armés de leur gentillesse, de leur sincérité et chaque fois que je les rencontre ils réduisent ma peine grâce à leur bienveillance.

Dans leur bouche, tu revis, et j’arrive encore à te découvrir maintenant que tu es parti à travers leurs souvenirs.

Cette communauté de coeur m’aide et je leur dis merci.

Lundi 26 janvier/7 mois 18 jours

Cela fait si longtemps que je n’ai pas écrit sur ce cahier.

Non pas que ma souffrance soit devenue supportable.

Comme j’ai du déjà te le dire, elle est différente, on travaille à la dompter et reste la mélancolie.

Et puis il y a la prière réhabilitée, pas régulière, pas quotidienne mais présente comme un rituel salvateur.

J’ai le sentiment qu’elle m’aide à trouver la force de dompter les sales sentiments, ceux qui encombrent ma tête et mon coeur.

Les yeux se brument toujours malgré tout.

Je ne te cherche plus, tu es là, à mes côtés, tu dors dans la pièce d’à côté. J’ai le mal de toi inscrit dans mes cellules et seule la vie me guérit sachant que cette blessure jamais ne se refermera vraiment.

Je pense en parallèle de toi mon fils.

Reste avec moi je t’aime.

Samedi 24 Avril 2004 11H50/10 mois 16 jours

Quand j’ai acheté ce cahier petit Pierre, petit Prince de mon coeur, je pensais que j’y verserais des torrents d’écriture, sans pouvoir sécher les larmes de mon chagrin.

Il est avec moi partout et retrace mon extrême solitude qui s’est insérée entre le monde et moi. Il a réveillé ce désir profond de se retirer et d’écrire la peine de vivre sans toi.

Tu me manques autant, plus, dramatiquement plus car l’absence se fait plus cruelle au fil des jours. Seules les photos m’interpellent.

J’ai peur de perdre ton image. J’ai peur de t’oublier.

Mais comment trouver l’équilibre pour te garder vivant dans mon esprit et te laisser partir pour continuer de vivre?

Quand je vis, je crois te trahir car je survis sans toi avec des rires et des joies.

Cet oscillement est désormais le pendule de ma vie.

Mais tu es partout sans que je le veuille absolument. C’est comme ça.

Ce n’est pas du malheur, c’est vivre en parallèle dans un espace qui est la vie spirituelle où tu m’accompagnes en tout lieu, en tout temps.

Je suis médusée du respect inné de Joséphine pour mes retraits, mes pleurs, mes regards.

Elle dit « Petit Pierre ».

Je t’aime tellement mon fils et je n’ai pas su te le dire avant que tu partes. Et je paye tous les jours ce regret.

Et cette réserve qui m’a fait me poser, forte, en retrait le jour de l’accident.

J’ai le remord permanent de n’avoir pas forcé la barrière des « soignants » qui tel un mur s’est dressé entre toi et moi pendant des heures alors que tu partais seul.

Je le paye davantage encore.

Je sais qu’aujourd’hui tu sens mon amour et la force de cet amour.

Samedi 30 Octobre 2004 17H45/ 1 an 5 mois 22 jours

Un petit ange pour toi mon ange.

On approche de la Toussaint et de son cortège de chrysanthèmes.

Je ne t’en offrirai pas mais tu sais que je penserai très fort à toi.

Comment peut il en être autrement?

La pluie ne m’a pas permis ces derniers temps de me consacrer au soin de tes fleurs.

Mais l’eau est un bienfait pour la terre.

Nelson a mis des iris ce matin sur la route. Combien de temps vont-elles rester? Moi j’ai cessé d’en déposer.

Je me dis que cela n’a pas d’importance ou en tout cas qu’elles représentent un rappel douloureux pour certaines personnes, toutes celles qui ont vécu un drame de la route. Alors mieux vaut donc ne plus en mettre.

Mon quotidien reste encore empreint de beaucoup d’incertitudes, de pulsions d’irritabilité.

Mais comme tu le sais, les frustrations qui nous assaillent jour après jour, nous éloignent de la lumière divine et de cela j’en suis consciente.

La lutte pour résister est âpre. Pourtant j’ai la sensation d’avoir beaucoup évolué.

Mais les écritures sont très dures pour les femmes: leur place n’est pas glorifiée.

Cela pose la question de la reconnaissance dans la vie divine.

Nous sommes vécues comme le pêché et notre statut de mère, porteuse de vie est mal reconnu. Cela m’interroge beaucoup.

Car l’ascèse intérieure n’a pas de sexe me semble-t-il.

Donner la vie est un acte d’amour. La virginité est impossible si tu donnes la vie!

Samedi 8 janvier 10H24 2005/ 1 an 8 mois

Bonjour mon fils d’amour,

Je m’apprête à t’écrire alors que les cloches de l’église de Saint Jean sonnent en hommage à la mort d’un homme, d’une femme que je ne connais pas. L’appel retentissant me happe dans le souvenir de ta cérémonie d’Adieu. Peut être est-ce un signe pour me rappeler le devoir spirituel que j’ai négligé depuis que j’ai repris le boulot.

Malgré ce souvenir douloureux, ce concert de cloches me rapproche de toi malgré moi. Une sorte d’automatisme mémoriel, guidé par nos émotions et qui dépasse la raison. Le coeur a ses raisons …

Les larmes arrivent même si je m’oblige à les réfréner, des images se posent dans ma tête.

Tu sais lesquelles. L’émotion intense de la cérémonie de ton départ sera gravée dans chacune de mes cellules, inaltérable, intacte.

Rappel de la rupture cruelle de notre histoire passée commune. Car la joie de te savoir vivant de l’autre côté n’enlève pas le manque de t’avoir près de nous.

L’homme a besoin de chercher les signes de son incarnation car il est faible. Il n’a pas appris à ce que son âme supplée ses sens.

Le calme revient dans mon coeur.

Mercredi 23 Mars 8H32/ 1 an 10 mois 15 jours

Bonjour petit Pierre,

Une journée magnifique s’annonce. Un soleil resplendissant et toi, accroché à ma page tu me souris. Ce matin, je m’autorise un peu de temps à penser assise sur le banc de ton « coin de jardin »et laisser vagabonder mon esprit en ta compagnie. Un moment avec toi avant de repartir vers les autres, vers le monde. Il m’est moins facile de me libérer la tête en voiture, le soir, une chape de plomb me coiffe le cerveau et je deviens reptile. Bien sûr ma conscience est aiguisée à propos de la perte de ces moments intimes passés avec toi, qui sont de plus en plus espacés. Le boulot Avant, le AVANT de ton départ puisque tu es parti alors que cela faisait une semaine que j’étais en congé maternité. AVANT, rupture dans ma chronologie existentielle. Tout aura changé après cet AVANT

Je vais me laisser envahir de nouveau par la vie des autres. Je t’aime

8 Mai 2005 22H20/ 2 ans

Bonsoir Pierre,

Deux longues années qui ont emporté la naïveté, l’ignorance et l’insouciance. La rupture de ton départ, chemin douloureux du manque physique, charnel, qui au fil des mois s’est mué en un espoir lumineux, salvateur, avec la certitude, la confiance de te savoir heureux, entouré près de Dieu.

Alors mon éveil a pu dévoiler la lumière suprême qui apporte la paix.

Cela ne se fait pas tout seul bien sûr, ce serait trop simple.

Mes imperfections continuent de polluer ma vie spirituelle. Les angoisses et les doutes de ne pas parvenir à l’Amour m’envahissent par le biais de ma lucidité.

Mais grâce à toi, à notre Seigneur Jésus, à Reynald, à Marie et à Marthe, à Emmanuelle et Marina, je m’accroche à l’essentiel: vous aimer, me rapprocher de l’état d’humilité essentielle.

C’est si difficile que j’ai la sensation pesante de ne pas avancer.

Mes pleurs sont le constat de cet échec.

Ton sourire accroché coûte que coûte à tes lèvres sont un baume d’amour et de joie. C’est toi qui me galvanises.

Quand la colère me submerge, c’est ton esprit qui me guide vers l’apaisement et un sentiment coupable me plombe de n’être pas encore parvenue au calme et à la sérénité.

Merci mon Pierre, tu m’apportes tant.

Je ne peux pas te le dire de vive voix mais je sais que tu les sais et sans doute cela te libère un peu plus chaque jour pour grandir là-haut, près de notre Seigneur.

Je t’aime, je nous aime

Samedi 28 aout 2005/ 2 ans 3 mois 20 jours

Mon chéri,

Merci de me rendre ma bonne humeur pour cette matinée de fin d’été, voilée d’amertume.

Un plaisir de voir des visages d’enfants heureux trônant sur leur manège, qui sur le cheval, qui sur l’avion, qui dans un camion de pompier.

Inutile de te répéter que tu me manques et que le picotement des yeux qui précède les larmes ne s’estompe toujours pas.

Nos émotions nous dirigent. Le bonheur de te savoir vivant au delà de nous, baigné de la lumière d’éternité et sous la protection divine, reste une construction de la pensée, une représentation heureuse.

Je ne me force plus à puiser des images de toi dans ma mémoire. Je sais que désormais elles viennent d’elle même, du fond de notre histoire commune et que peu de choses les réactivent.

Mais il faut veiller à te laisser partir, à apprendre à vivre dans la joie réelle de Dieu. Ce travail est le plus difficile car il contrarie la nature humaine, celle qui est sous le joug de notre instinct et son lot de réactions quotidiennes mesquines et égoïstes.

Je t’aime mon fils d’amour. Donne moi des signes, cela m’aide, tellement, tellement. Maman

Vendredi 20 janvier 2006/ 2 ans 8 mois 12 jours

Que dire mon fils de la réalité des jours subis.

Qu’ils sont là!

A vivre entre le devoir de mémoire et le devoir d’espérance.

Celui de te savoir parti dans un lieu de lumière. Un gué entre l’écrasante douleur de ta disparition et la joie de te savoir en paix, heureux.

Traduire ce sentiment d’entre-deux est difficile.

Il faut s’adapter en permanence à ceux qui nous côtoient, savoir ce qu’on peut leur dire de notre drame sans qu’ils s’en offusquent, fuient ou se sentent malheureux de leur impuissance à nous garder avec eux, présents dans leurs joies et les petits évènements de leurs vies.

Savoir donner un reflet juste de notre humeur sans choquer, sans plomber l’ambiance, compliqué.

La sincérité là-dedans c’est quoi?

Quand je suis seule avec toi et que les larmes viennent, provoquées par un réflexe de manque, alors je me concentre et l’esprit tourné vers toi je retrouve le sourire car je sais que ma peine te retient et que ma joie t’aide à monter, sans fil à la patte.

Le trait acéré du souvenir de l’accident et son lot d’images creuses, son sillon. La mémoire du corps me trahit malgré ma volonté de te montrer ma sérénité pour te garder heureux.

Je t’embrasse de tout mon coeur, 23 ans la date de ta naissance et celle de ta renaissance.

Le jeudi 8 mars 14H01 2007/ 3 ans 10 mois

Bonjour Petit Pierre,

Une halte pour profiter de toi, de nos instants intimes.

Seuls, seuls au monde sur notre île spirituelle.

Je voulais aller à l’église ce matin avec Joséphine.

Aller chercher de la sérénité pour m’éviter la confusion, pour m’éclairer encore et encore, pour avancer dans mes projets et espérer ton aide afin de ne pas me tromper de chemin.

Je me pose beaucoup de questions sur mon avenir.

Tout est clair et dans le même temps très flou.

La question centrale étant de vivre modestement et de respecter mes convictions religieuses. Je cherche ma voie. Un désir de mettre à profit mes connaissances et compétences tout en apportant aux plus modestes et aux plus humbles.

Je t’embrasse et je souhaite que tu m’éclaires.

28 Septembre 2009/ 6 ans 4 mois 10 jours

Bonsoir mon Pierre,

Tu es si beau mon fils sur cette photo, ton sourire appelle mon sourire.

Encore des éclats, encore des conflits et toi ce soir qui m’apaise dans ma solitude. Que la vie est difficile depuis que tu es parti. La vie n’a plus jamais eu la même saveur. Les journées s’égrènent dans la triste réalité de ton absence.

Que veux tu me dire ce soir? Si ce n’est maman je t’aime quoique tu fasses, quoique tu vives.

Le chemin vers Dieu est si long, vers le bien, vers l’abnégation, vers le bien fondamental, rédempteur, vers l’oubli de ses doutes, vers la lumière divine du bien originel.

Fin du journal.

Epilogue

Le message que j’adresse à tous ceux et toutes celles qui vivent dans la douleur de la perte d’un être cher, c’est que l’écriture est un rituel salvateur qui aide à se reconstruire.

Poser des mots sur le papier fixe la pensée, la formalise. Peu importe le support choisi, des notes, un journal, un livre, l’important c’est que l’on produit un objet sur lequel on peut revenir, qui fait trace du cheminement de sa pensée, de son évolution. C’est la démarche qui est essentielle, quelques soient les mots que l’on emploient. Ceux-ci évacuent la souffrance, la douleur, ils permettent de mettre à distance, de s’exprimer sur sa solitude, de poursuivre le dialogue interrompu avec l’être que l’on aime. Le deuil est un sevrage douloureux dont il faut évacuer les pensées nocives.

C’est un moyen d’agir face à la perplexité des proches qui sont tout aussi désemparés que vous et qui sont impuissants à vous décharger de votre fardeau.

Le journal devient votre ami, il vous relie à l’être aimé, il donne un nouveau sens à votre vie car petit à petit il vous oblige à penser votre existence autrement que dans le silence.

Pour ma part, la disparition de Pierre m’a rapprochée de l’amour de Dieu dont je m’étais éloignée. Comprendre l’amour qu’il nous porte en subissant cette suprême injustice est le plus difficile mais quand on y parvient, les portes de la paix s’entrouvrent et nos chers disparus peuvent alors nous aimer sans souffrir de nos blessures.

Ce livre est édité à l’occasion de l’anniversaire des 10 ans de la mort de Pierre.

Reynald Roussel, célèbre médium, m’a dit lors d’une séance:

« Vous écrivez madame, il faut continuer c’est important de poursuivre et d’aller au bout pour témoigner pour les autres parents. »

Je le remercie ici de m’avoir fait renaître à l’espoir, de m’avoir donné des éléments tangibles de l’existence de la vie dans l’au-delà, d’une manière simple et généreuse.

Nos défunts savent se rappeler à nous de manière inattendue, à chaque occasion où nous pensons à eux, avec tout l’amour qu’il reste de leur passage.

Ainsi, au moment où j’ai pris la décision d’écrire ce livre, j’ai confié à une amie artiste, qui avait partagé de nombreux moments avec Pierre, le soin d’illustrer ce livre. Elle avait été ébranlée par son départ et souvent pensait à Pierre avec douleur.

Elle a accepté avec plaisir de participer à ce projet et m’a fait la joie de faire des esquisses dès que je l’ai sollicitée.

Pierre songe croix dos - copie

 

Quelques soient nos croyances, cette injustice terrible de voir son enfant mourir avant soi est difficilement admissible. Trouver la part d’amour qu’il nous reste à donner pour poursuivre notre existence est une des voies pour retrouver la paix dans son âme.

Je vous souhaite de tout mon coeur de la trouver.

Novembre 2012

 

 

 

 

 

 

 

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