Pourquoi l’écriture d’un conte
Dans cette rubrique, je m’attache à vous montrer l’objet conte comme un moyen de transfigurer votre histoire gr^ce à l’écriture spécifique du conte. Cela permet de mettre à distance certaines réalités tout en formalisant ce que l’on a à dire, sans brider l’expression.
La réalité revêt souvent un caractère difficile à avouer, transmettre, publier et oublier. L’écriture d’une partie de son histoire en conte donne une force à son histoire. Elle devient prodigieusement personnelle, inaltérable, inaliénable.
Je vous propose en exemple une conte qui a été écrit pour une personne ne voulant pas se salir avec des souvenirs qui s’attachaient trop à sa vie, qui lui collaient à la peau et l’empêchaient de tourner sereinement la page…Mais elle ne voulaient pas pour autant laisser son histoire tomber dans l’oubli. Elle a fait appel à mes services…
La suite la voilà.
« Il était une fois une jolie petite fille qui aimait les fleurs, les oiseaux, la musique et la danse. Elle était née sous un groseillier alors on l’appela Groseille.
Ce jour là, il y avait un beau soleil dans le ciel et ses parents admiraient leur petit enfant aux joues roses leur adresser un sourire enchanteur. Le papa si heureux sortit de sa veste son harmonica et se mit à jouer en virvoltant autour de la corbeille
en osier du bébé.
Au même moment dans un beau manoir accroché aux rochers face à l’océan, une autre petite fille était née.
On l’avait placée sans attendre dans un magnifique berceau dont le bois noir était incrusté de perles de verre, une pièce d ‘art qu’un ébéniste avait réalisé pour accueillir le bébé tant attendu. En effet la mère se lamentait depuis longtemps déjà de ne pas porter la vie. Aussi, les parents voulurent l’appeler Dionée , une contraction de « dieu me l’a donnée ».
Les deux petites filles grandirent et devinrent deux belles jeunes filles, l’une grande, élancée, mince avec une cascade de cheveux roux lui descendant dans le bas du dos ; l’autre petite avec des rondeurs, des boucles brunes lui encadrant un joli visage poupon.
Groseille portait l’harmonica de son père en permanence sur elle car avant de mourir il lui avait dit : « il est magique, il apportera la joie dans ton cœur et quand tu y joueras, je serai à tes côtés. » elle partait régulièrement sur le chemin de la ville, abandonnant avec tristesse les champs, les sentiers pour aller s’enfermer dans l’atelier des grimoires anciens en compagnie d’une très vieille femme qui lui enseignait l’art des potions. Elle n’aimait pas cela mais sa mère étant devenue malade, il lui fallait travailler et elle trouvait que c’était malin d’apprendre à faire des potions pour guérir sa mère. Mais c’était dur de se souvenir des mots à rallonge. Parfois elle faisait des bêtises et se faisait rudoyer par la vieille Rabzouille mais bien vite celle ci lui pardonnait.
Un jour, le noble châtelain Pivert de Lourdeau manda dame Rabzouille, sa fille Dionée étant souffrante.
Celle ci monta jusqu’à l’île où se trouvait le manoir pour soigner la damoiselle chargée de ses herbes et autres potions. Elle réussit à guérir la jeune fille qui se morfondait depuis des années dans un silence que ses parents ne s’expliquaient pas. Au lendemain de la visite de la guérisseuse, Dionée était devenue toute autre…comme si elle avait subi un charme, elle était devenue douce, avenante, posant de grands yeux autour d’elle comme si elle découvrait le monde.
Ses parents, si heureux de la transformation de leur fille, parlèrent du miracle dans tout le royaume et firent cadeau à Rabzouille d’un coffre précieux, rempli de pièces d’or.
Les gens affluaient à l’atelier des grimoires anciens et bientôt Rabzouille, fut débordée. Elle demanda l’aide d’un jeune Prince qui souhaitait guérir les gens plutôt que de guerroyer en armure. Il se présenta à l’atelier sitôt que la demande fut faite.
Groseille qui pourtant passait de longues heures au bord de l’étang avec son ami Branguignolle, sentit son cœur battre un peu plus fort dans sa poitrine quand le lendemain elle se trouva nez à nez avec le beau Prince, Olea Cuspidate..
Rabzouille maintenant riche, se paraît des plus beaux atours, des soieries précieuses et magnifiques. Elle découvrait les joies du pouvoir et de la richesse.
Désormais, elle faisait partie des personnes reçues au manoir. Dionée organisait de très belles fêtes dans sa belle demeure mais malgré tous les soupirants qui la couvraient de mille trésors de gentillesses et d’amabilité, elle s’ennuyait.
Un soir, lors d’un bal ; elle fit la connaissance d’un jeune homme venu pour la distraire de sa musique. Il était gai et ne cherchait pas comme tous les autres à lui plaire, à obtenir des faveurs. Elle demanda à ses parents de vite la marier.
L’heureux jeune homme se faisait appeler Le Christ musical.
Un beau mariage fut organisé au manoir.
Pendant ce temps là, Groseille et Olea passaient leurs journées ensemble. Groseille n’avait jamais senti ce sentiment de certitude avec quiconque : cet homme sera toujours là pour moi se dit-elle.
Quand Olea lui passa l’anneau du bonheur au doigt en lui demandant sa main, Groseille dit oui sans hésiter.
Nos deux jouvencelles avaient trouvé l’amour et les jours s’écoulèrent heureux pendant longtemps.
Mais bientôt Dionée se lassa de Christ et chercha un autre cœur à prendre.
Elle continuait à offrir de superbes fêtes au manoir et partait conter amourette dès qu’un joli garçon lui plaisait. Elle revenait à l’aube et redevenait la petite fille sensible et charmante que tout le monde connaissait. Rabzouille qui était souvent au manoir s’aperçut que sa protégée cherchait l’amour…Son amour de l’or la guida pour être en quête d’un homme qui saurait apporter le bonheur à Dionée. Bien sûr elle l’avait sous la main : c’était Olea bien sûr ! mais il fallait se dépêcher car son élève Groseille avait déjà charmé le cœur du jeune prince.. Son plan était tout tracé.
Elle commença par composer un philtre de stérilité destiné à Groseille et prétendant lui donner un philtre d’amour éternel, elle fit boire le breuvage maléfique à la pauvre groseille qui ne se doutait de rien. Pour augmenter ses chances de l’abandon de Groseille par son mari, elle n’hésita pas à mettre de la chéramone, réputée pour provoquer une grande fatigue, dans la coupelle que Groseille avait près d’elle pour se désaltérer.
Puis, après quelque temps elle demanda aux époux de l’accompagner à une fête donnée au manoir.
Groseille et Oléa firent merveille auprès de leurs hôtes si bien qu’ils devinrent les intimes de la famille Pivert Lourdeau.
Les fêtes sublimes s’enchaînaient entraînant le couple dans un rêve où tout était magnifiquement beau… Groseille et Dionée devinrent les meilleures amies du monde. Mais les effets du poison commençaient à faire ses effets et la pauvre Groseille n’était plus que l’ombre d’elle même.
Branguignolle, resté l’ami de Groseille, venait la distraire de temps en temps en lui jouant de l’harmonica laissé par son père. Chaque fois que les notes d’harmonica s’envolaient dans la pièce, Groseille avait l’étrange impression qu’une présence imprégnait l’espace. Une voix frêle lui glissait alors : « Es tu heureuse Groseille et n’as tu pas oublié le bonheur simple des prés ? »
Alors elle doutait et ressentait une piqure au cœur quand elle voyait qu’Olea se plaisait de plus en plus au manoir en compagnie de Christ et de son épouse et qu’elle n’était plus assez vaillante pour les suivre dans leurs fêtes.
Désormais elle essayait de retenir son époux en voulant le garder auprès d’elle, pour comme autrefois travailler à trouver de nouvelles potions à l’atelier des vieux grimoires. Mais il ne l’entendait plus et partait loin d’elle.
Rabzouille était arrivée à ses fins et donna le coup final à son plan. Elle enduit le bec de la anche de l’instrument de Christ d’un venin puissant qui apporterait la mort sur le pauvre musicien.
Bientôt Christ dépérit sous les yeux impuissants de son ami Olea qui ne le quittait plus. Dionée, sans scrupule, abusait de ses charmes pour séduire Olea, désormais pris au piège.
Christ devenu trop faible pour pouvoir s’opposer à sa femme, qu’il chérissait encore, fit venir Groseille une dernière fois à son chevet.
Groseille très triste pour son ami s’empressa d’aller au manoir et s’agenouilla près de son lit.
« Je veux te faire un dernier cadeau avant de partir » et sans rien dire de plus, il glissa dans la main de Groseille une superbe plume d’écriture.
Au manoir, la mort frappa de nouveau et les parents de Dionée s’éteignirent l’un après l’autre, la laissant seule aux commandes du manoir et de ses terres. Comme une malédiction commune, il en fût de même pour Groseille qui, le cœur en morceau, dégringola la colline pour se réfugier chez son ami Branguignolle qui, comme à chaque fois que son amie était triste, lui joua un air d’harmonica.
La force qu’elle reçut à ce moment là lui ouvrit les yeux : elle savait qu’elle avait perdu son mari et elle savait que sa prochaine visite serait un adieu.
Après une tempête épouvantable, Olea revint un soir du manoir et lui dit : c’est la dernière nuit que je passe auprès de toi, je vais vivre au manoir auprès de Dionée.
Groseille malgré la dureté de la nouvelle, qu’elle avait préssentie, se redressa et lui dit : « tu as été ensorcelé par cette femme, si tu y retournes tu es perdu. »
Olea , sans prendre au sérieux l’avertissement, s’en est allé sans se retourner.
Dès qu’il fut parti, Groseille se sentit attirée vers le coffret où était rangé la plume. D’un geste vif, elle prit une feuille de parchemin, de l’encre et laissa sa main aller sur le papier.
Une force intérieure guidait son esprit et pendant 7 jours et 7 nuits, elle écrivit sans comprendre ce qu’elle écrivait.
Au septième jour Groseille épuisée s’endormit sur la table et après trois jours de sommeil enfin elle s’éveilla.
Les mots illisibles qui couvraient trois cahiers entiers se transformèrent sous ses yeux ébahis en une belle écriture claire et penchée où elle put lire :
Après un mois, force tu retrouveras,
Après un an, guidée tu seras,
Après cette date, chaque jour ton sort s’améliorera
Et je serai à côté de toi
L’injure lavée sera
Et pour les amants de répit il n’y aura
Les larmes jaillirent de ses yeux fatigués mais une indicible joie envahit son cœur, elle se savait sauvée. Elle entendit au loin l’harmonica qui chantait et sa maison s’éclaira d’une lueur indescriptible et brillante.
On frappa à la porte, une belle personne au regard profond lui dit : « Je cherche le gîte et le couvert, mes pas m’ont guidé vers votre maison »
Le voyageur ne repartit jamais et sa maison accueille aujourd’hui encore les belles âmes de passage dans la région.
Elle apprit par la rumeur que Dionée qui s’ennuyant auprès du bel Olea, avait repris sa vie frivole et qu’une terrible solitude s’était emparée de lui.
Ce qu’elle ne savait pas c’est que Rabzouille, venant un matin chercher les louis d’or que le père de Dionée versait régulièrement à la vieille femme pour ses bienfaits, avait été éconduite par la belle qui l’avait chassée prétendant ne plus avoir besoin d’elle.
Rabzouille, aussitôt rentrée chez elle, entreprit de glisser une mèche des cheveux de Dionée, qu’elle avait coupée quand elle l’avait soigné enfant et gardée précieusement dans un bocal, dans du papier d’argent. Elle reposa soigneusement le tout dans le bocal et le posa sur le rebord de la fenêtre, l’exposant aux rayons de lune pendant trois nuits. Le troisième jour, elle formula à l’aube une incantation
Noxe Actus
Dies Umbra
Nox Pulchritudo
Dies Deformitas
On ne revit plus jamais Dionnée se promener dans les jardins et profiter des beaux jours… Elle était condamnée à cacher une difformité au visage qui n’apparaissait qu’au soleil levant et disparaissait au coucher du soleil, elle passait ses journées dans la tour du manoir, cachée de tous.
Condamnée à ne vivre que la nuit, elle organisait des fêtes qui s’éternisaient et personne n’y venait plus,
Il paraît que le soir du 8 juillet on entend une plainte dans le jardin du manoir et que les soirs où la lune est blanche, on voit le bel Olea, paré d’une cape couleur Groseille, crier avec force et ferveur tenant une croix plantée au ciel « Christ pardonnes moi » »
Conte réalisé pour Evelyne.P en septembre 2013
Aquarelle réalisée par Nathalie RICHARD nath.paint@gmail.com
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Pourriez-vous me suivre … et me guider
Merci pour votre réponse
A Raimond
Bonjour Raimond,
Je vous remercie de votre confiance. Même si mon métier est d’écrire, je suis principalement biographe, pour écrire la vie d’autrui. Cela m’arrive de romancer la vie de mes clients mais ce ne sont pas des fictions. Il existe beaucoup de sites pour guider l’écriture de romans et je vous suggère de vous tourner vers eux pour réaliser votre projet. Je vous souhaite néanmoins du succès dans votre entreprise. Bonne journée à vous.