« Le temps d’une génération »

« le temps d’une génération » Biographie réalisée avec Celestin.

biographie-valerie jean

Les souvenirs d’une vie riche de quelques anecdotes professionnelles d’un garagiste qui a connu l’engouement des premières voitures américaines sportives  en France.Le récit aussi de souvenirs d’enfance dans la campagne vendéenne.

EXTRAITS DU LIVRE

La jeunesse en Vendée

Un matin de mi-mars 1951, j’étais à l’école dans la classe de mon frère G alors qu’il faisait un temps exécrable. La pluie tombait avec violence et le vent commençait à souffler fort. Vers onze heures, le maître d’école était indécis d’envoyer les enfants à l’église pour le catéchisme… Mon frère partit avec son groupe de copains, décidés à aller au catéchisme malgré le mauvais temps. Arrivés à 50 m de l’église, face à la menuiserie et la forge, ils sont stoppés par le menuisier, M. N qui craignant une catastrophe, les a fait rentrer dans son atelier. Son intuition était bonne, la flèche du clocher se souleva suite à une rafale de vent et s’envola, s’encastrant dix mètres plus loin contre le mur du cimetière.

Le maître d’école, constatant que le clocher avait disparu envoya quelqu’un chercher les enfants partis de sa classe, réfugiés chez le menuisier. C’est à ce moment là que j’ai rejoint mon frère à la sortie de l’école. Que d’émotions en cette matinée de printemps! Cet incident fut relaté dans le journal Ouest-France du 16 mars 1951.

Je me souviens particulièrement de l’hiver 1954, qui avait été terrible. On avait fait un bonhomme de neige dans la cour qui était resté gelé pendant tout le mois de février. Dans la classe, il n’y avait plus que 6 élèves qui venaient, le maître ne savait plus quoi faire de nous, on ne pouvait plus rien faire et on restait près du poêle pour se réchauffer.

Vers 14 ans, je devins sonneur de cloches, ce qui était loin d’être facile. Pendant les vêpres, il y avait un psaume où on devait sonner à deux reprises…Il y avait trois cloches et j’étais en charge d’une. Il fallait maintenir la corde en tension suffisamment ferme pour donner des coups réguliers et secs puis relâcher doucement… Mais un dimanche, on s’occupait à jouer à la belote avec les copains et on s’est trompé de psaume! Sonnant la cloche au mauvais moment, le curé nous a tancé d’un regard qui nous a fait comprendre notre erreur ! On a rattrapé le coup mais inutile de vous dire qu’on ne s’est pas attardé à la sortie de l’office.

En dehors des activités scolaires, je passais tout mon temps dehors avec mes copains. La bande du bourg. Comme tous les gamins, on jouait, explorait, chahutait. C’était un peu la guerre des boutons!

Nous faisions du combat à l’arbalète dans le bois de la gite avec des flèches que nous fabriquions avec un certain bois – dont je ne souviens plus le nom -Nous étions rapides pour nous déplacer entre les jeunes châtaigniers, allant d’un tronc à l’autre en nous balançant à la Tarzan. E, pour se réfugier, avait fait une cabane en bois en haut d’un cyprès, certainement plusieurs fois centenaire. Nous faisions souvent des glissades dans les pentes de la gite et nos fonds de pantalon n’appréciaient pas toujours!

D’autres fois, on partait ramasser des champignons ou s’amuser près du lac et pêcher. On faisait des barrages dans les gués de rivières pour y faire venir les gardons et hop avec un bidon de lait nous attrapions les poissons prisonniers. Pour les anguilles c’était plus difficile car il fallait être plusieurs, les rabattre dans très peu d’eau sur le gué et les coincer par un petit barrage. Il fallait être très vif pour les prendre à la main ou à la fourchette.

Quand le lac se vidait, il restait le ruisseau au milieu des vasières où l’on pouvait attraper les poissons piégés plus facilement.

Un jour, armé d’un couteau pour attraper le poisson, j’étais pendu par les pieds pour atteindre l’eau et quand j’ai fait le geste brusque adéquat pour planter le couteau dans la chair du poisson, mon copain a lâché prise: je me suis retrouvé dans l’eau, obligé de rester là pour sécher mes vêtements!

La culture du tabac

C’était au début du mois de mars que commençait l’aventure du tabac. La première opération était de stériliser la terre pour éviter les maladies. On montait deux talus recouverts d’une tôle sur laquelle on chauffait la terre grâce à de gros feux de bois placés dessous. La terre ainsi stérilisée servait au semis de printemps. Quand les semis avaient germé, devenant des petits plants, on les replantait dans le champ que mon père avait préalablement préparé. Pour ce faire, il avait réalisé lui même une sorte de long râteau pour que les rangées soient bien régulières.

Quand le pied avait suffisamment évolué, à neuf feuilles, il fallait se dépêcher d’étêter le plant avant que la fleur ne sorte pour permettre aux feuilles de se développer et d’ébourgeonner afin d’éclaircir les feuilles. En juillet, on ramassait les feuilles qui s’étaient décolorées pour les stocker et les sécher dans les hangars.

Les feuilles de tabac collent, suintant de nicotine et dégagent une odeur très forte: j’avais hâte d’aller me rincer les mains et le visage.

Chaque feuille était percée au moyen d’une aiguille pour passer le fil qui était pendu dans les hangars. Plus tard, mon père a acheté une enfileuse automatique qui prenait les feuilles les unes après les autres et enfilait le fil directement.

Un jour, j’ai appuyé sur les feuilles pour les tasser et l’aiguille m’a transpercé le doigt… Le mécanisme s’est stoppé et papa a du démonter le disque pour libérer mon doigt qui a été bien abimé…

Premiers pas en mécanique

C’était un homme très facétieux, toujours prêt à faire des blagues et à accepter les choses avec légèreté comme ce jour où j’ai renversé mon pot de peinture en trébuchant alors qu’il chantait la chanson d’Edith Piaf « non je ne regrette rien ». Il a eu un fou rire et s’est tourné vers moi en me disant:

– « Tu vois il ne faut rien regretter! »

Tout était bon pour rire. Quelquefois, après avoir chargé des condensateurs d’allumages, il demandait à quelqu’un de les emmener à un client: en attrapant le condensateur, la personne sursautait en prenant la décharge…Inutile de préciser les fous rires qu’à chaque fois cela occasionnait!

Une autre fois, il avait trouvé comment faire trembler les gens en les invitant autour d’un verre dans une banquette de 2cv. Avec un interrupteur à distance, il envoyait un courant électrique dans du fil de fer préalablement mis à l’intérieur de la banquette. Alors que les personnes tenaient leurs verres tout en discutant, il enclenchait le mécanisme et les personnes se mettait à gigoter sous l’effet du courant, le contenu des verres se renversant sur leurs vêtements!!!

Régulièrement, J descendait la rue avec une rosalie dont on coupait le court circuit électrique, ce qui faisait péter le moteur quand on le remettait en marche… Les gens étaient habitués à ses facéties et disaient:

–  » J s’amuse aujourd’hui! »

Mais un jour, j’ai remis le coupe circuit en route et non seulement cela a pété mais le pot d’échappement est resté sur la route!

La pauvre Rosalie a fini ses jours dans une kermesse dans une franche rigolade… J qui n’était jamais à court d’idées, avait décidé d’inverser l’arbre de la direction. Ainsi, quand on voulait tourner à droite, la voiture partait à gauche et inversement. Mais il n’était pas inconscient car il avait bloqué le levier de vitesse pour qu’elles n’aillent pas au delà de la première ou de la marche arrière et pour encore plus de sécurité, il se tenait à côté de la voiture prêt à couper le contact si besoin était.

Puis je suis parti au service militaire

Le matériel de l’armée américaine, prêté pour une période de 50 ans, devait être maintenu en état et il y en avait énormément. Certaines opérations nous donnaient également pas mal de boulot comme cette fois où il a fallu repeindre au pied levé plus de 60 véhicules en partance sur le canal de Suez!

Malgré tout cela, je trouvais mon travail passionnant et mon chef était super. Tous les mois, nous partions pour une journée de perfectionnement sur la route du col de la Schlutz et du Bonhomme, en région strasbourgeoise. Habituellement, je conduisais le camion de dépannage mais une fois je me suis trouvé en ouverture de convoi avec un officier.

Nous apprenions à pratiquer la conduite tout terrain sur un circuit interdit au public. Le concours de moniteur consistait à sauter le plus loin possible avec le véhicule 6×6 après avoir franchi un pont en dos d’âne. La difficulté était d’arriver au pont avec suffisamment d’accélération alors qu’il y avait deux virages de 30° et 45° en descente.

Je suis sorti de l’armée avec mes permis, un diplôme de bon chauffeur avec plus de 100.000 km au compteur… Diplôme que j’ai reçu 3 mois après être libéré mais sans la prime!

Les voitures américaines

Le second en chef, qu’on appelait Monsieur panique m’a beaucoup appris sur les voitures américaines, notamment les réparations des boîtes de vitesse automatiques. Et quand il est parti, je me suis retrouvé bien seul face à ces monstres: les Cadillac, Pontiac GTO, Chevrolet et autres…

M s’occupait plus particulièrement des grosses Opel tandis que je me chargeais des américaines. Mais cela m’arrivait fréquemment de pallier aux exigences, comme ce jour où Michel ayant trop de travail sur les Opel, je dus le soulager en réglant une Rekord-Sprint de 400 ch avec ses 4 carburateurs.

Première difficulté: accoupler les carburateurs et faire les réglages en puissance car le propriétaire était très exigeant quant aux performances de sa voiture. C’était l’été et je travaillais sous la verrière en pleine chaleur.

J’étais heureux dans ce garage, mon travail était varié. Souvent, je prenais le train pour me rendre au Havre pour prendre en charge des Bedford importées d’Angleterre. Cela me permettait de voir du pays. J’ai passé le Pont de Tancarville quant il venait d’être inauguré.

Le garage montait en puissance, ce qui nous obligeait à faire des stages de mise à niveau surtout pour les injections électroniques. Les voitures de sport étaient tendance et nombreuses sur le marché: Rekord Sprint, Coupé Commodore, Manta 400 etc…

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