Notre vie en mosaïques
La biographie en duo de Ange et Marie Claude accompagnés de Valérie Jean.

Résumé
Ange et Marie Claude issus d’une famille sicilienne pour lui et franco-sicilienne pour elle, dont les parents se sont exilés en Tunisie à cause de la pauvreté de leur île. ont vécu le basculement de l’histoire Avec la fin du protectorat français de Tunisie par la France, ils ont été aux premières loges des changements historiques de Tunis. Malgré le traumatisme de l’arrachement à leur terre natale, leur récit relate leur adaptation à leur vie nouvelle dans cette France inconnue et froide. Par le travail, ils ont réussi à s’intégrer tout en gardant leur identité méditerranéenne.
Extraits
Préambule
Il est temps aujourd’hui de présenter à nos enfants et petits-enfants notre famille PALERMO-LEONE et nos ancêtres siciliens. C’est un réel souhait que nous avons de retracer la mémoire familiale pour que ne se perdent pas ces petites histoires enchâssées dans la grande Histoire. Cela commence en Sicile, cette île triangulaire posée sur le bout de la botte italienne.
Peu importe si nous n’avons pas connu ces aïeux et aïeules, car c’est grâce à eux, à elles que nous sommes là et nous ne les oublions pas, ils restent gravés dans nos cœurs. Et si tu regardes bien leurs portraits, tu pourras reconnaître quelque chose de toi : un sourire, la forme d’un visage, un nez bien dessiné, une grande taille… et en lisant ces lignes, décrivant ces personnages surgis de ton passé, tu te retrouveras également dans certains traits de caractère.
Commerces de luxe
Catherine décida d’ouvrir une épicerie fine qui aurait pignon sur rue. Elle opta pour vendre des produits de qualité et son magasin était achalandé également de mercerie, de pièces de tissu et des articles de luxe.
Bettina travaillant aussi à l’épicerie, était devenue une jolie jeune fille élégante comme sa mère. Elles étaient toujours vêtues de belles toilettes et espéraient voir leur commerce se développer grâce aux amis qu’elles fréquentaient et devenir un endroit chic où se presseraient les clients argentés.
Le succès pendant les deux premières années était au rendez-vous. Petit à petit, les clients demandèrent d’ouvrir des comptes à la semaine et avec le temps, profitant de leurs relations amicales avec Catherine et Bettina, ils ne réglaient pas leurs dettes en temps et en heure. Malheureusement les fournisseurs n’attendaient pas… le déséquilibre financier menaçait.Sans plus attendre, Catherine décida de vendre son épicerie et fit un petit bénéfice.
Sur les conseils de gens bien placés à l’ambassade de France, elle réinvestit dans une boutique de chapeaux de Paris, très en vogue à cette époque.
Sous l’impulsion des modistes, le chapeau était devenu un accessoire indispensable de la toilette féminine. Il renseignait sur le rang social de la femme qui l’arbore, car plus il est raffiné, plus il a nécessité d’heures de travail par conséquent plus il montre la richesse de sa propriétaire.
En effet, aucune dame élégante ne se serait aventurée en public sans un chapeau !
Mère et fille travaillaient jusqu’au soir et finissaient épuisées de leur journée de labeur. Mais leur acharnement paya et les clientes étaient nombreuses à venir acheter leurs dernières créations. Certaines venaient de loin pour acquérir la capeline la plus originale garnie de mousseline drapée, de satin plissé, de crêpe ondulé et assortie de fleurs de soie, de plumes ou même… d’oiseaux.
Dans les années 1910, la mode des chapeaux de plus en plus volumineux poussa les créateurs jusqu’à utiliser de vrais oiseaux empaillés, notamment des oiseaux de paradis, des oiseaux mouches et tous les oiseaux à plumage brillant. Fortes de leurs savoir-faire, Bettina et Catherine, aidée d’une « petite main » fabriquèrent une multitude de chapeaux.

La boutique prospérait et les erreurs faites avec l’épicerie ne furent pas réitérées.
Une machine Singer dernier cri avait été acquise pour améliorer la productivité. C’est un trésor que nous avons gardé jalousement dans notre famille !
Nono Palermo et Nono Polizzi
Ange raconte
J’appelais mes grands-parents Nonna et Nonno, nom familier qui raisonne en moi avec tendresse. Je crois savoir que mon grand-père paternel Angelo Palermo était né en 1881. Lorsque mon père vint au monde en 1914, son géniteur avait déjà compté trente-trois printemps sous le soleil sicilien. Originaire de Palerme, il a émigré en bateau rejoignant à la rame la Tunisie toute proche, comme beaucoup d’immigrés siciliens, porté par l’espoir d’horizons meilleurs.
A cette époque, le pays était encore sous protectorat français, ce qui offrait beaucoup de travail et d’opportunités aux immigrés qui venaient des contrées méditerranéennes. Les italiens et siciliens formaient une grande colonie à Tunis. Mon grand-père a émigré quand il avait une vingtaine d’années, et ainsi deux générations naquirent sur le sol tunisien. Mon grand-père maternel, Salvator Polizzi était de Castelvetrano. Quand il a rejoint la Tunisie, il a gardé son métier de cordonnier. Il avait un commerce au cœur de la médina dans la rue de l’Église, qu’il tenait avec ses deux garçons. Ils réalisaient les chaussures à la main et leur boutique était renommée, les gens venant de loin pour faire faire leurs souliers.
Être Français, c’était un avantage, et chacun obtint la naturalisation sans aucune difficulté.
Mes parents entreprirent les démarches pour ma sœur Joséphine, quand un décret salvateur fut édicté : tous les enfants nés à compter de l’année 1941 pourraient embrasser la nationalité française si tel était le désir de leurs géniteurs. Ainsi, moi-même, de 1942, et mon frère Sauveur, né en 1943, nous avons obtenu la citoyenneté française, grâce à ce décret providentiel.
Je suis donc français depuis très longtemps et pourtant, on me fait la misère parce que je suis né en Tunisie de parents italiens ! Il faut que je montre patte blanche pour tout ce qui est administration. Pour rentrer dans la police, il faut un certificat de nationalité française ; j’ai présenté mon livret militaire, mais on me demandait un certificat de nationalité parce que j’étais né en Tunisie. L’Algérie était un département mais la Tunisie un protectorat. Je suis né à l’étranger.
La mémoire des papilles
Je me souviens du plat « Pasta al Forano » qui me remplissait du bonheur simple de la jouissance des papilles ! Elle faisait cuire les pâtes avec une sauce tomate, et de la viande hachée. Puis elle mettait une couche de pâtes, une couche de viande, une couche d’aubergines, qu’elle parsemait de parmesan avant de poser une deuxième couche d’ingrédients ; elle cuisait le tout pendant une heure au four. C’était souvent ce plat familial qu’on emmenait avec nous à la plage le dimanche ajoutant ça à des escalopes de dinde panées, trempées d’abord dans la chapelure, puis dans l’œuf. Un vrai délice !
A la maison, on mangeait de tout mais maman savait économiser en achetant aussi de la panse et des abats… Le matin quand je me réveillais, j’avais déjà l’odeur de ce que j’allais manger à midi et quand je rentrais pour le déjeuner j’avais les effluves du repas du soir. Elle faisait beaucoup de ragoût avec des abats, des patates, des carottes avec soit du riz, soit des pâtes…
Mon père mangeait des pâtes tous les jours. Pour lui, une journée sans pâtes était une journée ruinée. Il avait un fort appétit. Il mangeait d’abord la viande d’accompagnement et se régalait après avec les pâtes. Quand on faisait les pizzas, elles étaient épaisses, mais dessus, il n’y avait pas grand-chose, des tomates, des olives… Mais quand on mangeait ça, l’estomac était calé pour une bonne partie de la journée.
On appréciait le couscous au poisson, qui est une spécialité tunisienne. J’avais un oncle qui adorait la pêche mais il ne pêchait jamais rien ! Du coup, il passait toujours en acheter au marché de la Goulette, là-bas il y avait des restaurants tenus par des juifs dont la spécialité était le poisson grillé.
A la maison, le Primus, un réchaud à pétrole, nous permettait de chauffer les plats ; il y avait un réservoir tout en cuivre, il fallait actionner une pompe pour donner de la puissance à la combustion. Quelques fois les trous se bouchaient. Ma mère chauffait l’eau avec le Kanoun car le gaz de ville coutait trop cher. On mettait du charbon dedans et ça brulait.
La force de travail
Papa, était mécanicien dans un garage qui appartenait à l’armée française tant est si bien qu’il avait un livret militaire. L’armée aurait voulu le garder mais comme Mussolini s’était rangé du côté de l’Axe, les Italiens ont été réquisitionnés pour des travaux obligatoires.
Il n’a donc pas fait la guerre.
Il avait fait ses premiers pas dans un garage à l’âge de 6 ans ! Les parents luttant contre la précarité mettaient leurs enfants au boulot très tôt. C’était toute cette communauté italienne qui revenait de la misère et qui essayait de trouver sa place.
Pendant une période de quelques années, il a interrompu son travail au garage pour travailler dans une entreprise de forages. C’était une société dirigée par un Polonais qui était principalement sollicitée par des colons qui avaient de grosses exploitations.
Donc il partait, quelquefois pour 15 jours, 3 semaines, dans le sud tandis que nous restions à Tunis. On ne le voyait alors que très peu. Pendant plusieurs années, il a fait les forages, car c’était mieux rémunéré. Ses jours d’absence étaient comptés double.
Quand il était de retour, on le voyait arriver avec son camion, nous ramenant tout ce que les Tunisiens lui offraient, des animaux, des jeux, des caisses d’oranges. C’était le moment de réjouissances ! On n’était pas malheureux. Mon père vendait le surplus de ce qu’il rapportait, cela faisait quelques sous en plus. Son camion nous servait aussi à partir à la plage de Saint Germain en emmenant tous les cousins et avec onze oncles et tantes, cela faisait une véritable tribu !
On embarquait les couvertures, les parasols, de quoi manger avec les glacières et c’était parti pour la plage. Mon père n’aimait pas se baigner mais quand il faisait trop chaud, il enfilait son maillot de bain en laine et allait se tremper… quand il revenait, c’était le fou rire assuré de voir son maillot déformé par l’eau dégoulinante !
Quant à moi,
J’entendais toujours parler ma mère de métier, il fallait en avoir un, en choisir un bon pour s’assurer un bel avenir… mais je ne pensais pas que l’heure du labeur avait sonné : j’avais quatorze ans.
J’aimais l’école, j’appréciais d’apprendre surtout le français pour lequel mes professeurs disaient que j’étais doué. Mes parents ne se rendaient pas compte de mes bons résultats, ils signaient juste le carnet et c’était tout.
J’ai obtenu mon certificat d’études et j’ai arrêté ma scolarité, car ma mère a décidé qu’il fallait que j’aille travailler. Ce fut une grande déception et c’est aujourd’hui encore une blessure qui ne s’est pas refermée.
Mes parents ont décidé que je devais être bijoutier ou prothésiste. Je suis donc entré en formation dans un atelier de bijouterie à Tunis. Beaucoup d’Européens avaient des magasins de bijoux, de chaussures et de vêtements. Je suis donc engagé comme apprenti bijoutier dans la médina de Tunis et je gagne bien ma vie pour un jeune de mon âge. D’autant que j’avais installé un petit atelier chez ma tante pour faire quelques travaux de joaillerie qui me rapportait quelques sous en plus.
Entre football et ébénisterie pour le papa de Marie-Claude
Son père, était un artiste. Il a commencé par faire des études d’architecte. Pour obtenir son diplôme, il aurait dû partir à Rome, mais sa mère n’a pas voulu le laisser partir. Après un apprentissage avec Bocca, un maître sculpteur, qui était par ailleurs un des oncles de Ange, il devient sculpteur ébéniste et est engagé au palais du Bey. Mohamed el-Amine Bey est alors le dernier gouverneur d’une longue liste de la dynastie des Husseinites qui ont gouverné pendant plus de 200 ans.

À la suite de l’instauration de la République en 1957, Lamine Bey est expulsé du palais avec sa famille. Leurs biens sont saisis et plusieurs membres incarcérés. Il finit sa vie dans un appartement à Tunis.
Quand j’étais enfant, j’adorais regarder mon père travailler et dessiner. Je le vois encore retaper de vieux cadres dorés abîmés dont il reformait le dessin avec du plâtre fin avant de redorer le tout avec des feuilles d’or. Je me souviens que le Bey lui avait demandé pour son palais de réaliser une paroi de séparation faite de carreaux de bois d’une vingtaine de centimètres sculptés d’animaux. Il en avait ramené un à la maison représentant une biche. Il me racontait que pour se rendre sur le chantier, il passait par le harem où il voyait les jeunes femmes se baigner, riant de voir passer un homme. En tant que contremaître, il réalisait tout dans le palais.
À proximité, il y avait l’usine de fabrication et un magasin d’ébénisterie qui s’appelait « le palais arabe ». Il travaillait avec 60 personnes sous ses ordres qu’il avait personnellement formées. Lui-même avait appris avec Boca, l’oncle d’Ange, qui était maître sculpteur. Quand je me suis fiancée, Ange m’a dit : « Mais Boca c’était mon oncle ! » À la maison, on avait un buffet orné de fruits sculptés par Papa, souvent je me mettais à genoux et je caressais le bois, j’étais en admiration.
Pour ses loisirs, à partir de 1928, Sauveur joue dans les rangs du club de football de « L’avant-garde tunisienne ». Cette équipe évoluait au sein de l’organisation appelée « club omnisports tunisien » qui regroupait : athlétisme, basket, cyclisme, Hand-ball et volley. Financé par l’Église catholique, ce club issu de la communauté française, se voulait fédérateur de l’ensemble des communautés résidentes alors à Tunis. Le club n’a pas survécu à l’indépendance et la dernière participation de la section de football fut le premier tour préliminaire de la coupe de Tunisie en 1956. Cependant, ses autres sections évoluèrent jusqu’en 1967, date de la disparition définitive du club. Papa fut donc champion de foot de Tunisie, il avait alors 18 ans. Il resta goal pendant longtemps et le dimanche après-midi, aller le voir jouer était un rituel familial ! Ma tante m’a raconté qu’un jour, encore enfant, un homme placé juste devant moi a commencé à insulter le goal… mon sang n’a fait qu’un tour et je lui ai enfoncé son chapeau !

La Tunisie de Marie Claude
Je revois tous les commerçants de mon quartier défiler dans ma mémoire tel un film :
La famille Cutaya tenait la boulangerie sur l’avenue de Madrid près de chez nous. Le dimanche, maman me donnait une pièce et m’y envoyait acheter le pain. Il y avait la queue, les personnes patientaient volontiers en discutant chacun dans sa langue. J’aimais y aller pour sentir la bonne odeur de pain cuit. La boulangère était opulente, un tablier blanc autour de la taille, avec accroché aux lèvres un beau sourire et un mot gentil. Elle coupait son pain avec un instrument en bois muni d’un gros couteau pivotant qu’elle abaissait vigoureusement. Parfois, le boulanger sortait de son fournil, le visage aussi blanc de farine que son tablier et son bonnet. Des énormes gâteaux placés à hauteur de mon nez me faisaient envie.
Il y avait l’épicier, un arabe qui venait de l’île de Djerba. Sa boutique était un vrai bazar ! Il vendait de tout, bien sûr des épices d’où son nom premier, des fruits, des légumes, du sucre, de la farine et tous les ingrédients nécessaires pour faire à manger… mais aussi des objets usuels comme du fil et des aiguilles. Bref, chez l’épicier on trouvait de tout comme dans nos hypermarchés, mais réduit sur une petite surface !
Il était vêtu d’une grande blouse en coton épais avec sa chéchia rouge sur la tête, un bouquet de jasmin ou un crayon sur l’oreille. D’ailleurs petite, je me suis demandé souvent comment la tige du bouquet tenait si bien sûr son oreille, alors que moi essayant sur moi, le bouquet tombait !
L’épicier m’intriguait, il connaissait tous les prix par cœur, même s’il les affichait sur un morceau de papier au crayon. Il tenait une note à la semaine pour dépanner ses clients avant la paie. Je n’arrive pas à m’expliquer comment il faisait pour s’en sortir, car les clients étaient nombreux. Il sortait son carnet tout froissé et plein de taches, et avec son crayon de bois à la mine usée, il inscrivait au fur et à mesure ses additions. En fin de semaine, on passait par sa boutique pour payer :
- Tu me prépares la note !
- Mais tu as le temps ! répondait-il. La plupart des clients étaient honnêtes et rigoureux, et ne souhaitaient pas faire de dettes. Alors, il sortait son bout de crayon, passait la mine sur sa langue et calculait. J’admirais la rapidité avec laquelle il faisait son addition. Puis il déchirait la feuille de son carnet et la remettait au client qui vérifiait les chiffres, mais il se trompait rarement.
Il arrivait que certains clients oublient leur note ; il leur rappelait alors gentiment de penser à lui. Quand on passait commande, on lui disait :
- Tu fais bon poids et bon prix !
- Bien sûr, comme toujours s’exclamait-il en retour, avec un grand sourire.
Il était l’ami de chaque famille dont il demandait des nouvelles à chacune des visites à sa boutique. Et après avoir pris des nouvelles de chacun, l’échange se terminait par « Hamdullah » mot utilisé dans toutes les communautés de Tunis, et qui signifie Dieu merci. Lorsqu’il avait un petit moment, il s’asseyait devant son étal de fruits bien rangés, sur un petit tabouret son petit bouquet de jasmin sur l’oreille, une jambe sur l’autre profitant de la pause pour se masser les pieds
À côté le cordonnier tenait boutique dans un espace minuscule, tout juste assez large pour accueillir son banc et son atelier. La porte n’était jamais fermée, il pouvait ainsi discuter avec les personnes qui passaient tapant sur son cuir avec un marteau pointu et fourchu et malgré les clous coincés dans la bouche pour ne pas perdre de temps. Autour de lui des lambeaux de cuir de toutes les couleurs qu’il ne ramassait qu’à la fin de sa journée de labeur.
Si on tombait malade, on se présentait chez les sœurs qui tenaient des dispensaires dans plusieurs endroits de Tunis, appartenant à plusieurs congrégations différentes. On allait chez le médecin, qui n’était pas remboursé que si on était gravement malade.
On avait aussi, souvent recours aux personnes reconnues pour leurs dons. La sœur de mon père, Kikina exerçait ce don à la demande pour ôter des maux de tête ou amoindrir un coup de soleil : dans mon souvenir, elle prenait une assiette avec de l’eau et de l’huile d’olive qu’elle apposait sur la tête du patient, faisant dans le même temps une prière inaudible et secrète. L’huile formait de petites bulles avant de se transformer en tâches ; elle était alors satisfaite et se réjouissait d’avoir retiré le mauvais œil. Comme par enchantement, le patient n’avait plus rien…
Je me souviens que dans les années 1950 maman s’était plainte d’une plaie à la jambe qui ne voulait pas guérir. Elle était allée chez notre médecin de famille et celui-ci avait diagnostiqué un érysipèle qui est une inflammation bactérienne de la peau. Les diverses pommades qu’on lui avait prescrites ne faisaient rien, continuellement elle entourait sa jambe d’un bandage. Un jour, elle est allée faire son marché à la « montagnella », à Sidi El Bhari. Un petit maraîcher tunisien assis à même le sol avec ses légumes sauvages cueillis le matin même voit passer Maman et l’interpelle :
- Qu’est-ce que tu as à ta jambe ?
Ma mère s’arrête lui montre son mollet et lui explique son mal.
– Ce n’est rien, tu vas mettre un emplâtre de ma composition et bander de nouveau ta jambe.
Elle fit ce que ce brave homme lui avait conseillé puisque rien ne la guérissait. Je ne connais pas la composition du remède, car j’étais bien petite pour m’en rappeler, mais il fut efficace, la plaie s’est cicatrisée en une semaine. Cette solidarité s’exprimait dans tous les actes de la vie quotidienne. Ceux qui avaient un potager pouvaient échanger tomates, courgettes ou salades contre des œufs ou un service de couture. On allait trouver aussi des amis et connaissances lettrés pour rédiger un document. Le troc fonctionnait bien, car les gens n’étaient pas riches.
Dans les familles, on lisait les romans à voix haute pour faire profiter ceux qui ne savaient pas lire. Ces livres-magazines étaient publiés chaque semaine. C’était souvent des histoires romanesques et chacun commentait et participait aux joies et aux peines contées allant quelquefois jusqu’à pleurer à chaudes larmes ! lls attendaient avec impatience la publication suivante pour avoir la suite du récit.
Il y avait des boutiques avec des Juifs qui faisaient de la pâtisserie ; d’autres faisaient des petits pains frits, avec à l’intérieur, du thon, des pommes de terre, une olive… Les Arabes et les Juifs s’entendaient bien.
Les femmes restaient à la maison, ensemble, cuisinant un tas de mets très bons tout l’après-midi tandis que les hommes se rencontraient au café. Voilà ma Tunisie d’hier comme j’aime à me la rappeler. Un pays de cocagne où il faisait bon vivre, où toutes les communautés se côtoyaient et se respectaient, s’enrichissant de la culture de chacun. Mes racines prennent pied en Italie, en France par le sang et en Afrique par le sol !
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