Une vie à Saint-Nicolas de Brem
Une vie à Saint-Nicolas de Brem
Un livre de Béatrix BOUJASSON réalisé avec la participation de Valérie Jean, Biographe
Résumé du livre « Une vie à Saint-Nicolas de Brem »
Ce récit est un témoignage de la vie d’un village vendéen entre les années 1940 à 1960 à travers la vie d’une jeune fille : Béatrix. Le ton est joyeux et les anecdotes apportent du plaisir à la lecture.
Extraits du livre « une vie à Saint-Nicolas-de-Brem »
Mon village
A 2 km de l’Océan, se cachait un petit bourg de 800 âmes, qui s’appelait Saint Martin de Brem. C’est là que ma famille était installée depuis des générations.
Le village respirait la joie de vivre, ramassé autour de son centre avec une église, une épicerie et quatre cafés, seuls espaces animés où chacun pouvait se retrouver pour partager des moments conviviaux: il y avait le café de la gare, deux autres de chaque côté de l’église et le dernier au bas de la rue principale, tenu par la famille P. Dans ce dernier, un bal était donné quelquefois, où nous dansions la rumba, le tango, la valse, au son de l’accordéon… C’était génial ! Mais j’allais oublier la guinguette…Tenue par M.et Mme D, elle se trouvait à 500 m de la mer – en ce temps-là nous ne disions pas encore la plage – Elle était connue et fréquentée par la jeunesse qui y venait à vélo. À cette époque c’était le seul moyen de transport et pédaler 30 km ne faisait pas peur aux jeunes. Ils s’y rendaient pour danser jusqu’à la tombée du jour.
C’est là que pour la première fois, j’ai aperçu un jeune homme habillé style Zazou, qui ne faisait pas couleur locale, et qui est devenu mon compagnon pour la vie. Mais je ne vous en dis pas plus pour l’instant, ce sera pour la suite. Revenons au début de mon histoire.
La gare de Saint Martin de Brem assurait la ligne des Sables d’Olonne -Fromentine. Inutile de dire que c’était un voyage où nous avions le temps d’admirer le paysage tellement le train était lent ! C’était un train à vapeur qui crachait une fumée noire et quand nous étions trop près de la fenêtre, nous recevions les escarbilles de charbon nous donnant des têtes de charbonniers! Lorsque nous arrivions au terminus, nous n’étions pas très propres.
Comme dans tous les villages, la boulangerie tenait un rôle prépondérant puisqu’à ce moment là, le pain était essentiel aux repas.
Le boulanger Eugène, c’était mon papa. Il se levait à 2 ou 3 du matin afin de préparer son levain qui devait reposer pendant 1 heure. Pendant ce temps-là, il en profitait pour faire un petit somme sur le pétrin avant de pétrir la pâte pour en faire son pain. Une fois modelé, il donnait, avec une petite lame, des petites encoches sur le dessus de chaque miche. Ce bon pain allait cuire au feu de bois et devait être prêt, tôt le matin, car les premiers clients n’hésitaient pas à se présenter dès 7 h au fournil afin d’être servis au plus vite.
Pour le paiement, on avait souvent recours aux coches… On incisait sur une tablette de bois le nombre de pains vendus que le client payait plus tard. Ce système valait surtout pour les agriculteurs, qui réglaient une fois l’an, en échange du blé récolté dans l’année. Cela signifiait qu’il y avait très peu d’argent en liquide qui rentrait dans la caisse.
Pôvre papa et maman, c’est maintenant que je m’aperçois que ce n’était pas toujours facile de joindre les deux bouts. Quand il fallait payer, c’était maman qui se retrouvait face aux vendeurs car papa détestait manipuler l’argent !
Dans mon village, seules deux familles avaient une automobile: M.C, le marchand de cochons et mon père.
Ils se relayaient pour faire le taxi en cas d’urgence, soit pour aller chercher la sage-femme pour une naissance, soit le docteur. Tous deux habitaient à une quinzaine de kilomètres, trajets qu’il fallait souvent faire la nuit… Mais finalement, cela se passait en bonne intelligence et l’avantage c’était que tout le pays était mis au courant des naissances ou des décès !
La fête de Saint-Nicolas
À l’origine, la fête de la Saint-Nicolas, était célébrée à Saint-Nicolas de Brem pour rendre hommage au Saint de notre petite église. Elle pouvait tomber n’importe quel jour de la semaine, choisie par les agriculteurs, libres de leur temps. Monique R, depuis des années, continue de préparer artistiquement une gerbe de fleurs de saison, du lilas et autres fleurs champêtre.
La tradition, qui perdure encore aujourd’hui, veut qu’un bouquet soit remis au couple se mariant dans l’année. Le rituel commence quand le marié prend la gerbe de fleurs et accompagné de tout le cortège d’habitants, il rejoint l’église. Puis il monte à l’échelle, accroche le bouquet à côté de la statue de Saint-Nicolas avant de redescendre pour donner un baiser à sa dulcinée. Les fleurs y resteront une année jusqu’à ce qu’une autre couple fasse la même cérémonie.
La fête commençait toujours par un défilé des gens du pays qui se regroupaient sur l’ancienne petite place de la mairie. Les paroissiens entraient ensuite dans la petite église, du XIème siècle, une des plus anciennes de Vendée pour suivre la messe. Elle était célébrée entre présence des prêtres des communes avoisinantes – La Chaize Giraud, Landevieille, Coex, Brétignolles-sur-Mer, L’Aiguillon, et les chants étaient accompagnés à l’harmonium par Mr A.
À la fin de la messe, les enfants du pays présentaient les cadeaux offerts à Saint-Nicolas par les paroissiens qui étaient vendus aux enchères après la cérémonie. C’était Alfred M, qui les supervisait, lançant, comme un vrai commissaire priseur, la phrase « 1 fois, 2 fois, Vendu ». Grand’ mère qui était une acharnée à la vente n’attendait pas le vendu ! Surtout pour acquérir les asperges dont elle était si friande! On pouvait acheter des pommes de terres nouvelles, du vin, des gâteaux, de la volaille bref tout ce que pouvait produire le pays…
Quand la vente était terminée, chacun rentrait chez soi pour fêter comme il se doit la Saint- Nicolas et c’était souvent l’occasion d’inviter parents ou amis. Notre épicière de grand’mère se faisait un plaisir d’inviter le clergé enfin ! Il y avait le plus souvent: Mr Le Curé B , le trio des sœurs de la congrégation de Mormaison de Vendée, à savoir, la Directrice Mme B, sœur Madeleine et la soeur infirmière. Nous formions une grande tablée et pour ce jour-là, grand’mère se surpassait, elle qui n’aimait pas cuisiner. Le menu traditionnel qu’elle offrait à ses invités:
Asperges du jardin avec sauce » mousseline
Petites pommes de terres sautées avec rôti de veau
Mousse au chocolat, surmontée de boudoirs (un régal)
Tout cela accompagné du vin de notre vigne, servi dans de jolis verres en cristal, en l’honneur de Mr le curé… Après le départ de ces personnes « respectables », nous nous empressions de sortir le phono, pour danser et chanter. Je revois ce printemps de 1944 où nous chantions « c’est la mère Michel qui a perdu son chat..! »
Avec le temps et la venue de nouveaux habitants, Yves, alors maire de la commune et Mme D, la châtelaine du pays, se concertèrent pour choisir le 1er mai comme date de la fête de Saint-Nicolas: jour férié pour tout le monde, elle permet la participation de tous les habitants à la fête. En 2014, la fête de la Saint-Nicolas est toujours célébrée le 1er Mai avec les traditionnelles messe et vente aux enchères, auxquelles s’ajoute une kermesse qui voit fleurir de nombreux stands qui animent la journée.
Les cloches portent la joie et sonnent le tocsin
Maman m’avait dit que ma petit soeur arriverait avec les cloches de Pâques ! Alors tous les matins, de la fenêtre de ma chambre, je regardais la jardinière face à l’église pensant que les cloches y auraient déposé le bébé que j’attendais avec tant d’impatience… Et bien non ! Les vacances de Pâques sont arrivées et je suis partie chez grand-mère, pour laisser les grands faire le travail: nous donner un beau bébé. Enfin après cinq jours interminables, je suis revenue en charrette avec grand-mère.
Je me vois encore monter l’escalier quatre à quatre pour voir la petite merveille. Elle était bien emmaillotée dans des carrés de coton blanc immaculé, posée comme une fleur dans de beaux draps brodés. Son petit visage était marqué mais cela ne m’a pas gêné, j’étais trop heureuse de la découvrir enfin. Après quelques heures, les stigmates de la naissance s’estompèrent peu à peu et P, une belle petite fille aux joues pleines, fit l’admiration de tous les clients de la boulangerie.
Une cliente s’exclama:
– I sai maline mes y sai belle oussii.
Les gens s’exprimaient généralement en patois dans nos campagnes, le bon français étant réservé dans les institutions…
J’ai su depuis combien la naissance de ma soeur avait été difficile.
Le docteur G, extraordinaire médecin dont on en parle encore aujourd’hui, était retenu à St Gilles sans véhicule. C’est donc papa qui est allé le chercher avec sa 402 et cela a pris 1 heure. Pôv maman, elle devait trouver le temps bien long et souffrir beaucoup ! Quand le docteur est arrivé, pensant que le bébé ne vivrait pas, il s’est surtout occupé de maman car il la trouvait très fatiguée. Mais en bon praticien, il essaya malgré tout de réanimer l’enfant, resté dramatiquement silencieux, en lui donnant un bain, alternant eau chaude et eau froide… Et miracle ma petite soeur a donné de la voix et depuis ne l’a plus perdu sachant se faire entendre ! Bien sûr tout cela, on me l’a raconté car moi, je n’étais pas là.Malgré les temps difficiles, nous avons réussi à organiser un petit repas. Les dragées n’avaient pas de goût, le sucre devenait un bien rare…
En septembre 1939, quatre mois plus tard c’était la déclaration de guerre et papa fut mobilisé. Pendant ce temps, maman le remplaça de jour comme de nuit, pour recevoir les clients, comme pour aider les ouvriers à fabriquer le pain. Sans compter qu’il fallait s’occuper de nous, d’autant que P. était encore toute bébé. Papa est parti pendant huit longs mois. Puis il est revenu plus tôt que prévu, c’était la « débâcle de l’armée française » qui se soldera par l’humiliante armistice, signée par Pétain, tandis que le Général de Gaulle lançait son fameux appel du 18 juin.
Mais pour nous, quelle surprise et quel soulagement que ce retour ! Je me souviens lui avoir sauté au cou…
Le retour au quotidien était bien triste mais le rythme mouvementé de la maisonnée a redonné des couleurs à notre vie. Quelques jours après mon arrivée, il a fallu atteler d’urgence Mitron, notre cheval, avec le char à banc, afin de conduire maman à la clinique N-D aux Sables d’Olonne pour l’arrivée du petit frère. Enfin un garçon dans la famille M., quelle joie pour papa !
Donc, en période d’occupation et de réquisition, pas le choix des déplacements, il fallu atteler Mitron pour faire le trajet jusqu’ aux Sables d’Olonne.
À cette époque là, nous n’avions pas moyen de communiquer et il fallait laisser maman en clinique, et faire confiance aux docteurs et infirmières qui étaient des religieuses. C’est ainsi que le 2 octobre 1942 vers 14 h, le cousin A. des Sables est arrivé en vélo me disant :
– Va dire à ton père qu’il a un petit gars !
Le cousin Alfred, qui venait de faire 15 km à vélo, a eu juste le temps de boire un bon verre de vin pour fêter l’arrivée du petit prince, car il devait repartir avant la nuit car nous vivions sous le joug du couvre-feu et la peur d’être arrêté par les Allemands.
Le long voyage vers Paris
Toujours en 1942, avec grand’mère D., nous nous préparions à prendre notre train pour Paris pour rendre visite à tante M. qui se trouvait au noviciat de Groslay, dans le Val d’Oise. Quel histoire ce voyage !
Nous avions une petite valise, pas tout à fait en carton mais ça lui ressemblait. Je n’ai pas le souvenir des vêtements que nous avions emportés mais plutôt des victuailles : des tartines de pâté, des œufs durs, des fruits et surtout une petite bouteille de vin coupé d’eau et une petite limonade pour moi. Toutes ces provisions étaient enveloppées d’une serviette blanche.
Dans le compartiment nous n’étions pas seules, cernées par d’autres voyageurs, en face et à côté : et ceux là, les pauvres, recevaient souvent ma tête sur leurs épaules ! C’était plus fort que moi, le sommeil m’emportait et cela n’a pas changé !
Il y avait parmi nous une très jolie femme, élégante avec des mains qui devaient sortir de la manucure. Elle dégustait deux petites tartines d’une finesse que nous n’avions pas l’habitude de voir car dans notre campagne de Saint-Martin, nous mangions plutôt des tranches de gros pains de 6 livres, mais qui étaient tout aussi bons ! L’observation de cette dame a éclairé mon trajet, d’autant que nous étions coincés dans ce compartiment pendant huit heures…
Cela m’empêchait de trop penser aux éventuels bombardements que l’on craignait bien sûr. Le train a passé plusieurs ponts sans rambarde et j’avais tellement peur que je fermais les yeux. Grand’mère me disait alors:
– C’est bon ma petite fille tu peux les rouvrir.
Arrivées à Paris nous avons pris le métro et comme la plupart des gens qui n’étaient pas coutumier de la capitale, nous nous sommes perdues. Nous avions demandé aux agents de police notre chemin mais sans doute la plupart n’étaient pas plus parisiens que nous car ils nous envoyèrent sur de fausses pistes.
Enfin, après toutes ces péripéties, nous avons enfin retrouvé nos petites sœurs dans le couvent, où nous avions le gîte et le couvert.
École et communion, souvenirs mémorables
Quelle année que celle de 1942 ! Ce fut aussi à cette période que je fis ma première communion privée. Ce jour-là, j’aurais dû être très recueillie. Mais non ! Je faisais la tête car je n’étais pas habillée comme les autres. Naturellement avec l’armée de couturières autour de moi, elle s’étaient laissé emporter par leur création et avaient réalisé une robe blanche avec le devant plissé – à la main car en ce temps là les machines à plisser n’existaient pas – assortie de bas blanc et de chaussures blanches et pour finir, le petit diadème sur la tête. J’étais mal à l’aise, voyant mes camarades qui, elles, portaient une robe très simple pour ce jour.
Dans mon école, aucune des élèves, et je dis bien aucune, n’appréciait les maîtresses. À cette époque, les filles et les garçons ne fréquentaient pas la même école.
Les cours ne m’intéressaient pas, sauf le français, et peut-être aurais-je mieux travaillé si nous n’avions pas eu la peur au ventre à cause de la discipline absurde que faisait régner dans la classe Mme B., l’institutrice. Aujourd’hui, elle serait sûrement punie pour les mauvais traitements infligés à quelques unes de ses élèves, qui malheureusement étaient souvent les plus démunies…
Heureusement, le temps des vacances nous faisait oublier les heures maudites de l’école surtout qu’à cette époque, les grandes vacances s’étalaient du 1er juillet au 1er octobre. C’était génial ! C’était le rythme paysan, car beaucoup des enfants travaillaient aux champs avec leurs parents pour la saison des moissons. Par contre pour la Toussaint et Noël nous n’avions que huit jours.
Le jardin de la Ruette, une pause magique
Au milieu du bourg, sur l’ancienne route des sables d’Olonne, devenue aujourd’hui la rue de l’océan, il y avait un joli jardin appelé « la Ruette ». Il se nichait dans un creux du terrain ce qui nous donnait l’impression quand nous y étions d’être sur une autre planète! Pour moi c’était un endroit magique.
De nombreux arbres et arbustes fruitiers y poussaient: des cassissiers, des framboisiers, des pommiers de plusieurs espèces qui nous donnent encore aujourd’hui de beaux fruits savoureux. Ils étaient prolifiques grâce à une source naturelle qui coulait non loin de là.
Mon père et un de ses copains avaient construit sur son terrain, près de la source, de façon rustique, une sorte de buanderie, recouverte d’un toit en tôle alimentée par l’eau de source naturelle. Un puits avait été aménagé qui permettait de remplir la lessiveuse et de chauffer l’eau sur un foyer.
Nous étions alors en 1944 et dans nos campagnes, la machine à laver n’existait pas. Il fallait recourir à des lessiveuses. C’était Juliette qui se chargeait de notre linge. Je l’appréciais beaucoup et j’aimais passer mes jeudis – jour sans école en ce temps là – auprès d’elle, à faire la lessive.
Elle arrivait à 9 heures à la maison où je l’attendais avec impatience. Nous préparions ensuite la brouette pleine du linge à laver, paquet surmonté de deux gros savons de Marseille, utilisé à l’époque puisque la poudre à laver n’avait pas encore été inventée. Notre convoi fin prêt, nous partions vers la buanderie près de « la ruelle ». C’était une grande commodité pour Juliette d’avoir cette buanderie si proche car les autres lavandières devaient souvent faire 1 ou 2 kilomètres pour aller laver le linge et cela quel que soit le temps.
Malgré tout, cela restait un travail pénible: frotter pièce par pièce, de la petite culotte en coton au pantalon épais de grosse toile… Les mains s’abîmaient vite. Une fois lavé, on mettait le linge à chauffer dans la lessiveuse et nous attendions alors deux heures pour que le linge soit bien blanc. À la fin, nous rincions le linge dans le bac d’eau propre prévu à cet effet.
En attendant, nous mangions nos tartines de pâté ou autre casse-croûte tandis que je parlais sans cesse. Juliette m’écoutait. J’en profitais car à la boulangerie je devais me faire discrète avec la clientèle et ne pas assommer maman qui était déjà bien occupée. Mais je ne jacassais pas non plus sans cesse! C’est d’ailleurs pendant ces pauses, loin de tous, que j’ai découvert la lecture, notamment La comtesse de Ségur et « ses petites filles modèles »…
Je veux rendre hommage à toutes nos courageuses lavandières qui grâce à leur travail nous permettaient de porter des vêtements dignes et propres. Merci…
Quelques années plus tard, mon père a décidé d’apporter l’eau courante dans la maison. Il n’a rien trouvé de mieux que de détourner une partie de l’eau de la source en faisant une tranchée sous la route, pour amener la canalisation jusqu’à notre évier! Effectivement, nous avions l’eau courante…mais cela lui valut un beau procès!!!
Je me souviens quand ma grand-mère avait découvert le système de l’eau courante la première fois lors d’une visite, elle s’était exclamée:
– Je ferai la vaisselle toute la journée!!!
L’exil à l’internat
À la rentrée suivante, j’ai été admise au collège Saint-Joseph de la Roche-sur-Yon.
Nous voici donc avec maman, préparant le trousseau, cousant chaque pièce à mon nom, Béatrix M. C’était beaucoup de travail surtout qu’à cette époque, en raison d’hivers rigoureux, nous avions des dessous en flanelles pour nous protéger du froid; sans oublier le corset, genre de petit boléro avec des baleines pour le maintien de la silhouette, qui d’ailleurs pendant tout le temps où je suis restée au pensionnat, avait pris place sous mon matelas! J’emmenais aussi une serviette de table et les couverts en argent qui me venaient de mon baptême, que j’ai toujours, placé en bonne place dans ma bibliothèque…
Fin septembre me voici donc pensionnaire – plutôt prisonnière à mon sens- à St Jo où j’ai passé mon certificat d’étude de l’école privée qui aujourd’hui n’est pas reconnu.
Dès notre arrivée il fallait porter l’uniforme de rigueur: manteau bleu marine ou noir, chapeau rouge foncé avec un large rebord. Inutile de préciser que nous ne trouvions pas cela très chic !
Quant au quotidien, nous étions loin du confort et de la bonne bouffe ! Suite à la guerre se terminant à peine, les allemands avait laissé en cadeau la destruction du système de chauffage du dortoir. Je me souviens avoir couché toute habillée tellement le froid nous pénétrait.
La période de restriction étant encore d’actualité, les repas restaient maigres: les pommes de terre remplaçaient le pain.
Une journée traditionnelle à Saint-Joseph se déclinait ainsi:
L’emploi du temps de chaque jour :
6h30 – Réveil
Pour se réveiller en douceur, ces braves sœurs n’avaient rien trouvé de mieux que de nous chanter le « Deo gracias » auquel les 40 élèves que nous étions répondaient Amen. ce n’était pas un cri du coeur qui s’élevait dans le dortoir mais plutôt un murmure étouffé!
7h15 – Messe à la Chapelle
8h – Petit déjeuner avec lecture lue par une élève, le plus souvent sur la vie d’un Saint ou Sainte
8h30 – Etudes
9h -12h – Classe
12h -13H- Repas au réfectoire suivi d’une récréation
14h – 17h Classe
17h – 17h30 – Goûter suivi d’une récréation
18h – Etudes
19h – Repas au réfectoire avec lecture cette fois-ci d’une histoire romancée
20h – Obligation de se défouler dans la cour immense même quand le thermomètre affichait moins 10! Tout cela en chantant, pour épuiser notre énergie avant d’aller dormir!
Avec le recul, je me rends compte que c’était drôle même si je l’ai mal vécu sur le moment.
Puis papa ayant besoin de moi, j’ai réintégré la maison. Je ne suis restée qu’un an et demi à Saint-Jo, quittant brutalement l’établissement au moment où j’allais étudier le français.
À seize ans donc, je retourne à la maison comme aide à tout faire, soulageant dans les tâches ménagères Jeanne, en service chez nous. Quand j’ai eu mon permis de conduire, j’ai fait les livraisons dans les fermes aux alentours de Saint-Martin de Brem. J’aimais pendant mes tournées rencontrer les gens braves qui luttaient pour travailler, à s’occuper quotidiennement de leurs animaux et sans aucun jour de vacances. Les femmes avaient souvent en plus de leur labeur, la tâche d’élever les enfants qui étaient le plus souvent plus de cinq.
Deux fois par semaine, j’allais donc livrer plusieurs pains de 6 livres que je déposais sur l’immense table en chêne dans la pièce de vie.
Aucun argent ne m’était versé. À l’époque on considérait comme normal que les enfants participent aux ressources de la maisonnée et personne ne se posait la question de savoir si les jeunes avaient besoin de quelques pièces pour leurs loisirs. C’était comme ça! Ainsi de 15 à 23 ans j’ai travaillé pour la famille, en « reconnaissance de mon éducation » comme disait Grand-mère!
Pour des raisons de confidentialité, certains passages ont été supprimés du texte.
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