le gois

DE NICOLE À MANIC

 « De Nicole à Manic »

le gois

Une biographie réalisée à partir d’un cahier de 200 pages manuscrites dont le texte a été reformulé, et mis en page.

Un récit vivant d’une jeune femme qui par des anecdotes sympathiques nous montrent l’évolution de la société, des années 1930 jusqu’aux années 1975. Une fresque qui traverse notre siècle, racontée sur un ton enjoué.

EXTRAITS DE SON LIVRE

 

Chapitre sur la guerre

Pour nous, la vie s’écoulait tranquillement pendant ce premier hiver de guerre. Les adultes se faisaient beaucoup de soucis : les nouvelles du front étaient mauvaises, les défenses françaises ne faisaient pas le poids face aux allemands mieux entraînés à la guerre qu’ils préparaient depuis longtemps.
Une tranchée fût creusée dans le jardin. C’était une galerie étayée de planches de bois, avec des bancs le long des murs, permettant une longue attente, et une entrée à chaque extrémité. Elle coupait le jardin en deux. A chaque alerte, les gens du quartier venaient s’abriter le temps de l’attaque aérienne, signalée par une sirène lugubre qui hurlait. Il fallait après cela attendre et subir le ronronnement oppressant des bombardiers.
Mon grand-père Boulanger était le chef d’îlot, responsable du quartier. Toutes les maisons devaient être camouflées et aucun rai de lumière ne devait se voir la nuit. Il fallait donc fermer volets et rideaux, et peindre les vitres visibles en bleu. Les lampadaires étaient éteints et même les lampes de poche devaient se camoufler par un pelliculage foncé.
En ce début 40, la  guerre fut surtout très difficile pour les soldats au front et  leurs familles car beaucoup, pendant cette période, furent tués, blessés ou envoyés prisonniers en Allemagne. La population civile intérieure ne souffrit pas ce qui changea après l’arrivée des allemands.
L’invasion commença à la fin du printemps. Les allemands envahirent la Belgique et plus rien ni personne ne les arrêta plus. Les populations belges et françaises des régions du nord et de l’est avaient gardé en mémoire le traumatisme de l’occupation de leur pays par l’armée allemande lors des guerres de 1870 et 1914.
En mai, les populations se jetèrent sur les routes pour rejoindre le sud afin d’échapper à une troisième invasion. Reims qui est près de la frontière fut évacuée le 18 ou 19 mai et nos grands- parents arrivèrent à la maison pour ensuite nous emmener dans la creuse nous mettre à l’abri le temps des conflits. Pour moi, comme pour beaucoup,  cette date marque la fin d’une époque, celle de la fin de l’enfance.

Au cours d’une promenade je me suis piqué le doigt avec une épine noire. Mon pouce a gonflé et est devenu  rouge et douloureux : c’était un panaris.
Il n’y avait pas de médecin. Maman me soignait le doigt à l’eau de javel. Mon pouce était de plus en plus déformé. Un étudiant en médecine s’est occupé de moi tous les jours. Il appuyait très fort sur mon doigt pour faire sortir le pus mais sans traitement chirurgical le mal n’a fait qu’empirer. Je n’étais pas douillette et je ne me plaignais pas. Lorsque mon père, en permission, vint nous rejoindre, il fut effrayé par l’aspect de mon pouce. Il m’emmena à Guéret où sous anesthésie générale, on m’arracha l’ongle qui n’a jamais repoussé.
Le 27 août,  nous remontions vers le nord. Le dernier souvenir de cet épisode de ma vie fût de voir la file des voitures attendant le passage de la ligne de démarcation entre la zone libre que nous quittions et la zone occupée. Pour l’époque, la file de voiture était incroyable alors qu’elle apparaîtrait ridicule par rapport aux embouteillages d’aujourd’hui lors des retours de vacances sur Paris !
Nous avons passé la nuit dans la voiture et nous avons vu les premiers allemands. Nous rentrions à Meaux ! Je suppose que mes parents étaient très inquiets, angoissés peut-être…Dans quel état serait la maison ? Quelle serait notre vie pendant l’occupation allemande ? Et bien d’autres questions encore…
Nous, bien sûr, nous suivions les évènements sans bien nous rendre compte de la situation et sans savoir qu’on vivait un grand moment de l’histoire.
Aujourd’hui les enfants prennent part à la vie qui les entoure par le biais de la télévision. Ils vivent au milieu des adultes, entendent les conversations et posent des questions. Alors que nous vivions à l’écart des adultes, il y avait deux mondes à part. Papa écoutait le TSF (la radio), mais tout à nos jeux et nos disputes, nous n’écoutions pas.
Pendant notre absence, la maison avait été occupée par les allemands. Rien n’avait été dévasté. Seules  des traces noires laissées par des bottes bien cirées avaient souillé le tissu vert clair des fauteuils du salon. On avait retrouvé mon vélo et mon cyclorameur aux objets trouvés à la mairie. Sans doute des rôdeurs les avaient volés pour les abandonner un peu plus tard.  Par contre la cave du grand-père avait été visitée et de  tous ses vins de Bordeaux il ne restait plus rien.
La vie reprit son cours. Je rentrai en sixième.
L’atelier de l’entreprise avait été réquisitionné et des soldats venaient y travailler. Les allemands occupaient les chambres libres  mais n’exigeaient pasde prendre les pièces habitées par les familles.

Après l’appel du 18 juin du Général de Gaulle, la résistance mit un certain à s’organiser. A cette période, le gouvernement de Vichy se mettait en place et les juifs français n’étaient pas encore traqués. L’organisation administrative se remettait à fonctionner cahin-caha mais pour combien de temps ?
Avec l’armistice, la France n’était plus en guerre. Nous ne connaissions pas les combats de la résistance car l’information officielle donnée à la radio et au cinéma était la propagande allemande. Nous avions beaucoup de mal à écouter radio-Londres car c’était brouillé et presque inaudible. Mais je me souviens des messages énigmatiques pour la résistance.
Dans ma famille, les adultes étaient résignés. Dans les premiers temps, résolument de droite, on faisait naturellement confiance à Pétain, tout en restant dans l’expectative. On était obligé de travailler avec les allemands mais on ne collaborait pas. La région où nous habitions n’était pas propice à l’existence souterraine des maquis et nous en ignorions beaucoup de choses.
Ce qui importait, c’était la vie quotidienne. Il fallait manger et nos parents se donnaient beaucoup de mal pour notre ravitaillement. Papa partait vers Coulommiers en vélo tous les quinze jours, chez un fermier qu’il avait connu lors de sa mobilisation. Quant à maman, elle patientait dans de longues queues, munie de ses tickets d’alimentation et faisait des kilomètres à pieds pour acheter de la volaille dans un petit village au dessus de Meaux. Il y avait aussi des agriculteurs, clients de l’entreprise, qui nous apportaient des vivres et de la viande. Je me souviens de la livraison de cochon vivant qu’un charcutier tuait pendant que papa mettait toutes les machines en route pour masquer les cris de la bête et ne pas alerter les allemands.
On stockait la charcuterie et on salait la viande. Mon grand-père avait très peur de se faire prendre. Quand il partait à la campagne avec papa, il ignorait qu’il transportait du ravitaillement, ce qui leur permettait de passer les contrôles en toute innocence. Les allemands arrêtaient toutes les voitures à l’entrée des villes. Un jour papa eut beaucoup de chance. C’était la dernière année de l’occupation et les allemands étaient de plus en plus méchants. Papa rentrait en ville avec un copain de jeunesse. Comme à l’accoutumée, ils furent arrêtés et n’avaient rien à déclarer. Ils passèrent sans encombre. Après le poste de contrôle, son copain lui apprit qu’il avait des tracts de la résistance sur lui. S’ils avaient été pris, il aurait été difficile de prouver son innocence et il aurait été embarqué aussi !
Quant à moi, j’ai vécu aussi une petite aventure ! Un soir de 1943, j’étais avec Nicole alors qu’elle avait rendez-vous avec un copain sur le boulevard. Il devait lui porter une lettre de son petit ami du moment. Il faisait déjà nuit et la ville était obscure. Entendant des pas, nous avons relevé notre lampe de poche pour voir qui s’approchait. Je pense qu’elle n’était pas peinte en bleu. A la place du copain, ce fut un allemand qui nous interpella : « Vous faîtes des signaux avec votre lampe, suivez moi ! ». Pas fières, nous l’avons suivi jusqu’à la Komandantur qui était toute proche.
On nous fit rentrer dans un bureau et nous expliquâmes à un français nos explications.
« Comment vous appelez-vous ? »
Je répondis la première. « Nicole B. »
« Vous êtes de la famille B, le menuisier ? »
« Oui, je suis sa fille. »
« C’est bon, sauvez-vous et ne recommencez pas ! »
Ouf ! Quelle histoire ! Comment aurait-t-elle pu finir, nul ne le sait.
Nous avions notre fait d’armes !

Suite aux attentats perpétrés sur les voies de chemin de fer comme les rails déboulonnés avant le passage des trains allemands, les autorités avaient instauré un tour de garde que les civils devaient assurer. Papa s’était arrangé pour être d’équipe avec J.C. Je me souviens qu’ils partaient une bonne partie de la nuit et que les tours revenaient assez souvent.
Pour ma part, je craignais beaucoup les bombardements. Les avions et les sirènes me réveillaient et le ronronnement des moteurs des bombardiers m’effrayait. A chaque alerte, nous descendions dans la cave où des lits de fortune étaient installés. La tranchée du jardin avait été rebouchée. La plupart du temps, la sirène était déclenchée pour rien mais il arrivait que des bombes tombent dans les environs comme c’est arrivé un soir sur la gare de triage de Vaires. Nous avons vu les lueurs d’incendie à une trentaine de kilomètres.
Meaux fut bombardé deux fois.
D’abord la gare fut touchée sans que cela ne fasse de gros dégâts. Par contre la deuxième attaque fut meurtrière. Ce jour là, l’alerte n’a pas fonctionné et deux petits avions volant en rase motte le long de la marne a piqué sur une maison voisine. C’était celle de notre médecin. Seul, l’aîné des enfants, qui s’est précipité à la cave, fût épargné. La femme, le deuxième garçon et la bonne du médecin furent tués. Le raid a été très rapide, sans laisser le temps à la peur de s’installer. Ce n’est que rétrospectivement qu’elle s’installa pendant tout le restant de la guerre.

Nous étions très préoccupés de nous-mêmes comme tous les ados. Les évènements tragiques nous passaient un peu au-dessus de la tête d’autant qu’on n’en connaissait pas la gravité. Nos préoccupations se limitaient souvent à l’approvisionnement en bûche pour le chauffage et à la nourriture…Mes camarades de classe étaient des fils de fermiers du coin avec une boîte de goûter bien garnie. Nous étions informés par la radio des attentats commis par les « terroristes » que maman commentait : « Ils nous embêtent ces attentats, après des otages seront fusillés, ça ne sert à rien ! »
Autour de nous personne n’étant dans la résistance, nous ne connaissions pas son impact et son efficacité. Nous n’étions témoins d’aucun évènement bizarre,  ou d’allers et venues insolites qui auraient pu faire naître une interrogation quelconque sur la Résistance.
Nous étions habitués à la présence des allemands. Ils défilaient dans la rue,  en chantant, leurs pas rythmés par un bruit de bottes assez déplaisant. A Meaux, l’ambiance était plutôt calme et nous n’avons jamais assisté à une manifestation quelconque de la police. Ce n’est qu’en 1945, après le retour des déportés que nous avons appris ce qu’il s’était passé dans d’autres départements et à Paris. Ce fût dramatique.
Le 6 juin 1944.Le débarquement des alliés.
Mais la guerre n’était pas terminée pour autant et les allemands résistaient surtout en Normandie où les combats furent violents. Ils étaient affaiblis par leur dispersion sur plusieurs fronts : Russie, Italie, Normandie, Provence…
De ce fait, ils devenaient de plus en plus agressifs et répliquaient de plus en plus férocement à la Résistance. Ce fût durant le repli des allemands qu’eurent lieu des tragédies comme celle d’Oradour sur Glane, village martyr qui brûla avec tous ses habitants enfermés dans l’église. Il n’y eut qu’une rescapée pour raconter la brutalité et la rapidité avec laquelle les allemands avaient perpétré le massacre.

L’insécurité incita maman à rester prudente et il ne fût donc pas question de partir pour Vrigny pour les vacances.

En vue d’éventuels combats  et des bombardements, Mr H avait creusé une tranchée dans le pré attenant à la ferme. Elle était remplie de ravitaillement : jambon, pâté, conserves, vin, de quoi soutenir un siège !
Dans la nuit du 23 août 1944, une automobile allemande occupée par des SS (section spéciale), réputés les plus durs, s’est arrêtée dans la cour. Après avoir réveillé Mr et Mme H, ils ont exigé d’occuper la cuisine sans en autoriser l’accès à quiconque. Se repliant face aux alliés, ils n’étaient pas particulièrement aimables. Mme H avait une grosse somme d’argent dans la cuisinière et elle eut du mal à le récupérer. Les soldats allemands tapèrent à la machine une bonne partie de la nuit et partirent au petit matin, au grand soulagement de tous. Maman qui les observait derrière les volets savait que le risque existait de les voir abattre tout le monde
Papa est remonté  quelques jours après pour nous annoncer la libération de Meaux. Mr H a alors sorti les provisions de la tranchée et nous avons fêté l’évènement au champagne. Puis, à notre tour, nous sommes donc redescendus vers notre ville.
Des fusées éclairaient le ciel, nous montâmes au grenier pour  les regarder mais notre joie fût de courte durée. Les fusées annonçaient un bombardement et ce fût la débandade. Nous étions à trois kilomètres des cibles : la route de Senlis par laquelle les allemands fuyaient et la route de Paris par laquelle les alliés arrivaient.

La libération

C’est un évènement qu’on ne peut oublier, ces heures de liesse restent gravées à jamais dans ma mémoire.
Etant redescendus chez nos grands-parents qui habitaient le centre ville, nous étions aux premières loges pour voir en fête. Les chars alliés et français traversaient la ville par la rue principale. Toute la population était dehors. Les gens se bousculaient pour serrer la main des soldats, les filles les embrassaient. Ils distribuaient des cigarettes, du chocolat dont on était privé depuis cinq ans et du chewing-gum. C’était irréel pour nous qui n’en avions jamais mâché !
Beaucoup de soldats  américains étaient noirs, ça aussi c’était une découverte, surtout pour mon petit frère ! Il a tendu la main vers l’un deux qui l’a touché et M, a regardé sa paume,  étonné qu’elle soit encore blanche ! La rue raisonnait de cris d’allégresse, de chants, d’appels ; c’était un brouhaha extraordinaire.
Le seul bémol à cette fête fût le sort réservé aux femmes ayant fréquenté des allemands. Elles étaient tondues et trimballées dans des camionnettes  à la merci des regards de tous et de huées. Ce spectacle était d’autant plus triste qu’elles n’avaient pas fait grand-chose de mal : soit elles étaient tombées amoureuses, soit elles ont vanté leurs charmes auprès des allemands pour obtenir à manger ou d’autres avantages.

Des hommes armés, avec des brassards FFI (forces françaises de l’intérieur), délogeaient les personnes soupçonnées de collaboration de leur maison. Certains de ces nouveaux mercenaires avaient surgi au moment de la libération, se livrant à des exactions inutiles. Beaucoup des personnes arrêtées pour collaboration n’avaient rien à se reprocher sinon d’avoir   trop  parler  et elles furent libérées rapidement. Les  collaborateurs avérés, ceux qui s’étaient distingués dans la milice ou les dénonciations, ont été jugés légalement dans les cours de justice exceptionnelles qui seront instituées plus tard.
La guerre n’était pas terminée pour autant. Les forces alliées, progressaient vers l’Allemagne,  tandis qu’ils libéraient le sud en débarquant en Provence le 15 août. Les allemands se sont regroupés dans l’est et la bataille des Ardennes dura plusieurs mois dans la neige et le froid. Prisonniers et déportés continuaient à souffrir en Allemagne tandis qu’en France nous étions toujours contraints par les tickets d’alimentation qui durèrent jusqu’en 1948 ou 49.
Pendant ce temps, nous profitions de la liberté retrouvée et la  peur nous avait quittés. Moi, je rentrais en seconde, papa avait 39 ans et maman 35ans. Privés de sortie pendant cinq, ils  reprenaient goût à la vie.
Enfin nous arrivions au 8 mai 1945 où les alliés américains, anglais, canadiens, russes et forces françaises libres étaient parvenus à vaincre les forces allemandes, italiennes et Japonaises épuisées. Hitler s’était suicidé dans son bunker. C’était enfin la libération pour tous les opprimés.
C’est alors que les atrocités nous ont été révélées par le biais des actualités au cinéma. Le pire fût la projection de la libération des camps de la mort, montrant au monde de pauvre gens décharnés, dans leur pyjama rayé, semblables à des fantômes, le regard hébété malgré la liberté retrouvée. C’était affreux. Nous étions assez grandes pour  comprendre toute l’horreur de cette tragédie de l’Histoire. Beaucoup  sont revenus malades comme P, un cousin de maman, retrouvé par la cousine H parmi les arrivants à l’Hôtel Lutécia de Paris. Il avait contracté le typhus et était  mourant à son arrivée. Il eût la chance de s’en sortir. Plus tard on réalisa les exploits de la résistance grâce à des documentaires et des films. Après toutes ces révélations sur la guerre, je m’interrogeais sur une question essentielle : « Qu’est-ce-que j’aurais fait si j’avais été adulte pendant cette période ? De quel côté j’aurais été ? Si j’avais été résistante quelle aurait été mon attitude face à la torture.Pendant de très nombreuses années, j’ai rêvé que je faisais de la Résistance ; je m’en sortais toujours et je gagnais contre mes ennemis !

Le  temps était venu de fêter la Victoire sur les Champs-Elysées et voir le défilé des troupes. La foule était en délire. Ma soeur et moi, avions des robes à fleurs bleues, blanches et rouges ainsi que des nœuds tricolores dans les cheveux.Les américains avaient amené le jazz dans leurs bagages. Je ne sais plus qui avait fait la connaissance des quelques américains stationnés en ville, toujours est-il que très vite des après-midi dansantes furent organisés chez les D ou chez les M avec quelques uns d’entre eux. Les adultes comme les  adolescents, tous étaient de sortie !

Une surprise m’attendait ! Les épreuves étaient reculées d’une semaine car les sujets avaient été divulgués. La fuite venait de l’imprimerie nationale. Je rentrai donc chez Hélène et regagnai Meaux le soir même. J’ai su le lendemain qu’un monôme s’était organisé au lycée si bien que la semaine suivant je me suis dépêchée de rejoindre les autres pour participer à un monôme.
Mais qu’est ce qu’un monôme ? C’était une manifestation étudiante sous la forme d’un cortège, sans banderole ou revendication, organisée pour faire le chahut et la rigolade. Loin de nous toute idée politique, ce n’était pas à la mode bien que des heurts entre les groupes d’extrême droite et les communistes éclataient régulièrement dans le quartier Saint Michel. Ferdinand Lop,  un doux dingue, provoquait aussi quelques rassemblements autour de ses idées incongrues. Il se présentait à toutes les élections présidentielles avec un programme loufoque comme la prolongation de la rade de Brest jusqu’à Montmartre et celle du boulevard Saint-Michel jusqu’à la mer ou l’installation de Paris à la campagne pour que les habitants profitent de l’air pur ou encore la suppression du wagon de queue du métro !
Mais en ce qui nous concerne, nous attachions nos encriers au bout d’une baguette et d’une ficelle, qui servaient parfois de projectiles. Les gens nous regardaient passer et se faisaient mettre en boîte.

Le temps nouveau des sorties

Quand je ne sortais pas le samedi, je passais ma soirée à écouter la radio. J’avais eu une petit poste pour mes dix-sept ans et c’est ainsi que j’ai fait connaissance avec le jazz. Certains d’entre nous avaient des tourne- disques avec les aiguilles qu’il fallait  changer souvent. C’était déjà mieux que les phonogrammes ? Nous avions peu de disque mais un copain avait dégoté pour danser des disques des surplus américains. Moi, j’ai acheté les deux premiers disques que j’avais trouvés : Edith Piaf, goualante d’avant-guerre et Nuages de Django Reinhart, sans savoir que c’était un standard de jazz français.
Nous avons vu les premiers 33 tours à la première foire exposition de Meaux. Ce fût encore une belle occasion de s’amuser ! Nous n’avions jamais vu un tel évènement. Tous les jours on se retrouvait au stand des vins de Bourgogne où il était offert des consommations. Le retour à la maison n’était pas toujours simple !

EPILOGUE

Par ce livre, je veux témoigner d’une époque révolue, celle où les choses étaient plus simples et où chacun avait sa place.
Je suis heureuse d’arriver au crépuscule  d’une vie préservée et souhaite à tous mes enfants, petits-enfants et arrière petits-enfants que les nuages qui s’amoncellent sur leur ciel s’éloignent et laissent la place à un avenir moins sombre.

Retrouvez d’autres extraits du livre « de Nicole à Manic » sur mon blog

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