MA VIE
« Ma vie »
Ce projet a vu le jour grâce au désir de la belle fille d’Yvette qui souhaitait que ses enfants connaissent la vie de leur grand-mère. Un travail effectué sur la base de 14 heures d’entretiens. La couverture a été créée grâce à la collaboration de Nathalie Richard, illustratrice.Ce livre, en édition familiale et privée, a été réalisé par les Editions Scripta.
Le livre d’une femme ayant connu les bonheurs et les malheurs d’une vie simple bouleversée par le deuil et le handicap qui repartira avec courage en apprenant à ses enfants et petits enfants la joie de vivre dans son pays basque natal.
EXTRAIT DE SON LIVRE
La guerre
La guerre tant redoutée faisait une entrée fracassante dans notre vie. Papa fut mobilisé et un soir il revint en uniforme à la maison. J’étais choquée de le voir en soldat et je m’accrochais à lui en pleurant. Quelques temps plus tard, ce fut le soulagement quand il a été libéré des obligations militaires parce qu’il avait cinq enfants
Mais cela n’était pas terminé pour autant car avec la guerre notre quotidien allait être chamboulé.
On nous avait changé d’école et dans une grande villa, nous faisions les cours en sous sol. On nous faisait faire souvent des exercices d’alerte.
Pour comprendre ce que nous vivions, il faut savoir que la gare de Bayonne était un centre de triage très important pour l’acheminement des trains pour les allemands et qu’on se situait aussi sur la ligne du mur de l’atlantique étroitement surveillé par l’armée occupante, sans compter que nous étions une région frontalière avec l’Espagne. Il y avait aussi un centre d’essais d’armes, d’explosifs et de mines à Bayonne et les fortifications pour défendre l’accès du port et l’aéroport.
Tous ces éléments faisaient que la région était sous contrôle permanent des forces allemandes et que les alliés bombardaient fréquemment la côte et tous les centres stratégiques.
A l’école nous faisions des exercices d’alerte pour apprendre à nous mettre à l’abri en cas de bombardements et quand nous entendions la sirène, il fallait nous protéger. Je me souviens que pendant les tirs de la DCA, alors que papa nous avait enjoint de nous mettre dans un coin de la pièce, maman restait à la fenêtre à regarder la scène sous les cris de papa qu’il lui disait de se mettre à l’abri, en raison de la proximité de la voie ferrée !
Je ne sais plus à quelle période c’était, mais je me souviens qu’on jouait avec un chien qui s’appelait Boby, un petit ratier. Il nous donnait des vers et papa, soucieux de notre hygiène était parti à l’étang de Ondres pour le perdre. Et bien le chien était revenu malgré les vingt kilomètres de distance. Je crois qu’ensuite on l’a gardé !
Les poux et la gale étaient aussi nos invités pendant cette dure période et il fallait se badigeonner de produits infects pour s’en débarrasser.
Nous marchions aussi avec des galoches aux semelles de bois car tout manquait.
Malgré tout, nous allions en vacances à St Martin d’Arrossa chez une cousine de ma mère qui était aveugle. Elle habitait dans une maison à flanc de montagne. Pour manger, nous partions très tôt et parcourions les chemins, allant de ferme en ferme jusqu’à des fermes très reculées en haut de la montagne où nous trouvions du lait et du pain fait sur place. Nous l’apprécions particulièrement parce que celui que nous avions en ville était noir et sans saveur. Mais pour parcourir la montagne, il nous fallait passer devant les allemands armés de mitraillettes et accompagnés de deux gros chiens prêts à bondir sur leur ordre. Nous avions donc très peur. Mais ils s’intéressaient surtout aux clandestins éventuels voulant passer en Espagne. Le pays basque regorgeait de résistants qui travaillaient pour les réseaux de la France libre. D’ailleurs le fils de notre cousine aveugle avait été déporté ou fusillé car on ne l’avait jamais revu.
Nous étions très bien accueillis par les paysans et j’ai un souvenir ému quand je repense à cette ferme tenue avec propreté. Dans la pièce principale, il y avait une grande cheminée avec un rideau à carreaux rouges et blancs et de beaux meubles rustiques. Les enfants nous emmenaient dans les champs où, à la saison des cerises, nous faisions un festin de baies rouges et juteuses, bienvenues pour nos estomacs affamés.
Pendant cette période, la scierie avait été réquisitionnée et mon père travaillait avec des allemands et ne pouvait pas parler librement. Les allemands étaient partout.
Un matin, un homme est venu chercher Nelly dans la classe et nous ne l’avons plus jamais revue. C’était la fille de forains qui travaillaient sur le marché de Bayonne. On a entendu les maîtresses chuchoter que Nelly et sa mère avaient été arrêtées par les allemands parce qu’elles étaient juives.
Maman était téméraire. Quand les vivres ont commencé à manquer, au plus fort du rationnement, elle arpentait la campagne pour trouver à manger dans les fermes à Peyrehorade. Elle était maligne, elle prenait le train pour rentrer et lançait, avant d’arriver à la gare, le sac de provisions qu’elle allait récupérer après être rentrée le long de la voie ferrée, car la gare n’était pas loin de chez nous. Quelquefois elle devait parcourir la montagne pendant des heures pour rejoindre le pays basque espagnol où se trouvaient des ventas, sorte de commerces improvisés où elle achetait du tissu pour confectionner nos vêtements, qu’elle roulait autour de la taille, ce qui lui donnait l’allure d’une femme enceinte, pour ne pas se le faire confisquer par les allemands.
Cela ne l’a pas empêché de se faire arrêter par les allemands de la komandantur de Saint Etienne de Baïgorry. Prise la main dans le sac car on n’avait pas le droit de se ravitailler en dehors des tickets de rationnement, on l’a longuement questionnée pour savoir à qui elle portait tout cela.
Elle s’est mise alors à pleurer disant que c’était pour ses enfants; apitoyés, les allemands la libérèrent en lui recommandant de ne plus recommencer.
Sa débrouillardise nous empêcha d’avoir faim même si nous étions sous alimentés. Elle cuisinait des topinambours, des rutabagas, et grâce aux tickets de chocolat que nous échangions, elle améliorait quelquefois l’ordinaire avec des pommes de terre et des haricots.
Maman pouvait aussi être très cruelle. Un soir de noël, toujours pendant la guerre, nous avions mis nos chaussures comme d’habitude pour recevoir notre gâterie de Noël. Le lendemain nous avons trouvé un poireau, une carotte et une patate en guise de cadeau. Papa avait été si choqué qu’il avait pleuré de nous voir si triste. Il lui avait dit : « tu aurais mieux fait de ne rien mettre. » Et s’adressant à nous, il nous dit : « ne vous inquiétez pas l’année prochaine, je vous gâterai. » Effectivement, le Noël suivant nous avons reçu chacune, un petit sac qu’on pouvait mettre en bandoulière. Papa était très sensible malgré son caractère soupe au lait qui le conduisait quelquefois à avoir la main leste. Maman avait un caractère plus dur.
Vers dix ans, mes parents ont essayé de me placer dans une ferme des Landes pour que je bénéficie du bon air et profite d’un ravitaillement régulier. J’ai tellement pleuré qu’ils sont revenus le soir me chercher. Puis ce fut dans un aérium mais rien n’y fit, je voulais rester à la maison prétextant qu’il fallait que je m’occupe de mes frère et sœurs. Ma sœur Yvonne par contre, est partie pendant un mois acceptant avec plaisir de s’éloigner de la famille. Elle avait un caractère difficile et préférait souvent être seule.
Ma mère, malgré la pauvreté des denrées disponibles, réussit à organiser un repas de communion tout à fait honorable avec de l’agneau et des haricots, c’était le 4 juin 1944 et j’avais douze ans. Ce jour là, un des allemands qui travaillait avec papa sur le camp de Gürs et qui était notre invité parce que beaucoup de simples soldats allemands étaient piégés comme nous par la guerre, lui avait confié : « allemands kaput .» C’était l’avant veille du débarquement allié en Normandie. Dès le lendemain il a quitté l’entreprise, c’était la débandade allemande.
Nous avons appris que dans leur fuite, les allemands avaient massacré les habitants du village d’Oradour sur Glane et tant que le pays n’était pas libéré, nous gardions la peur en nous. Enfin ce fut la libération de Bayonne le 24 août 1944. La fin de la guerre fut une période très trouble partout en France.
Les collaborateurs furent traqués par les résistants et les maquisards, et les femmes, qui avaient été légères avec l’occupant furent tondues. Le pays resta marqué encore longtemps et même si petit à petit la vie reprenait son cours, les privations et les tickets de rationnement durèrent encore longtemps.
A la libération, la joie éclata dans les rues et des bals furent organisés un peu partout. J’étais encore trop jeune pour moi même aller danser mais je me souviens de la liesse populaire en cette fin de guerre qui opprima pendant quatre années les habitants. Les prisonniers de guerre sont rentrés mais beaucoup ne revinrent jamais y compris des civiles, femmes et enfants exterminés dans les camps de concentration.
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